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Rocca x Kohndo: Hors du monde ou au-dessus de celui-ci 

En 2023, l’esprit de La Cliqua est toujours vivant. CIMARRON pour Rocca et pour Kohndo, Plus Haut Que La Tour Eiffel. Deux albums sortis cette année qui racontent le chemin parcouru par deux éminemment rappeurs. Retour sur les carrières d’anciens membres du groupe parisien, entre ramifications communes et leurs divergences.

La Cliqua : voiture bélier à l’assemblage précaire

Lorsque la deuxième génération du rap français débarque au milieu des années 90, celle-ci dispose d’exemple à la fois américain et francophone. La Cliqua débarque dans ce contexte, en s’empreignant de ce mélange d’influence. Le collectif parisien est une parfaite illustration de l’état du hip-hop en France. Il réunit des MC’s, des beatmakers, et même des danseurs (coucou Booba) issu de différentes entités. La figure tutélaire du groupe est Daddy Lord C, ex chasseur de skin et véritable figure parisienne de l’époque. Après la première émulation qu’est son maxi Freaky Flow, paraît le premier opus du groupe, Conçu pour durer. Plébiscité autant par le milieu underground que par les néophytes, cet EP devient une pierre angulaire d’un âge d’or, et par la même occasion, du mythe La Cliqua.

Cependant, ce disque marque une certaine rupture de dynamique entre les membres du groupe. Egosyst et Raphael du Coup d’État Phonik, ne sortent pas satisfait de l’E.P. Tout comme Kohndo (Doc Odnok à l’époque) qui le révèle plus tard, dans son Featuring avec Driver. Cela n’entame pas directement le fonctionnement créatif du groupe. Pour autant, l’un des grands gagnants cette aventure est Rocca, véritable sensation du disque. Son émulation est dotant plus importante que le label du groupe Arsenal Records mise davantage sur lui que les autres membres.

Opposition à travers le style et le statut

Avant la parution de Conçu pour durer en 1995, le groupe écume les scènes et multiplie les freestyles radio. Par sa forte personnalité, son style incisif, imbibé de sauce NY et de sa voix grave, Rocca marque les esprits. À ces caractéristiques s’ajoute sa capacité à rapper en deux langues. Il devient l’incarnation du super-héros fantasmé par un Paris ne jurant que par les rappeurs East Coast. À côté de lui, Kohndo est un savant mélange de l’école Boulogne et de la Native Tongue. Une science du groove plus en retrait du temps et un jeu de silence assez typique d’une école moins connu, celle de la Left Coast. Bien qu’il la rende plus profonde dans sa période avec son groupe, sa voix est notablement aiguë. Au sein du collectif, deux riches personnalités comme sont Rocca et Kohndo offrent un superbe oxymore. Seulement le décalage n’est pas uniquement musical.

Rocca devient un tel phénomène que son aura dépasse le groupe. Après la sortie de Conçu pour durer, les deux acolytes n’ont pas le droit à la même exposition et inévitablement n’ont pas les mêmes occasions de développer leurs propositions. Un long format en 1997 (Entre Deux Mondes), acclamé dans toute la France du côté de Rocca et pour Kohndo, des couplets le grandissant graduellement. La séparation n’offrira pas les mêmes armes à tous. 

Après la parution de l’unique album de La Cliqua en 1999, sans certains membres, Rocca s’exile. Désormais, installé à New-York, il rappe en espagnole. Il peut se permettre cette excursion hors de l’émulation française. Kohndo officialise lui son changement de nom et armé d’un style toujours plus perfectionné, de sa voix la plus pure et d’une conversion complète à son amour de la Native Tongue, il sort une série d’EP. Un par an de 1999 à 2001. Les gens découvrent un Kohndo s’émancipant du cadre du groupe. Tandis que Rocca a déjà déployé une aura extérieure au groupe.

États-Unis : un rêve à porter de notes 

Les deux rappeurs ont traversé l’Atlantique pour vivre leur « rêve » américain, de manière différente. Du côté de Rocca, son séjour new-yorkais est un eldorado Hip Hop. En naquit, Elevacion paru en 2001, où le MC à la Sarbacane se retrouve à être plus que jamais incisif. Des images plus nettes et frappantes sortent de ses textes. Le côté onirique des mythes et fictions de ses débuts se ressent moins, il déborde de l’école new-yorkaise qui coule dans ses veines. 

Courant des années 2000, Kohndo se retrouve lui aussi dans l’émulation US, emporté dans l’euphorie de Detroit. Son voyage américain fait office d’eldorado créatif. Pour l’ex Doc résulte un album encore plus poussé dans son concept que son premier. Deux Pieds sur Terre/ Stick To The Ground (2006) témoigne définitivement de l’opposition de style entre les deux. Alors qu’en 2001 et 2003, Rocca sort deux de ses disques les plus américains, Kohndo s’inspire aussi des grands frères étasuniens, inspirés d’une autre école. Un Amour Suprême et Stick To The Ground sont souvent considérés par les fans des deux MCs, comme leurs meilleurs projets. 

À la fin de la décennie 2000, leurs statuts se rejoignent de manière fascinante. Les fidèles de Rocca se sont cristallisés, autour de ses solos, ses feats mais aussi de Tres Coronas, son nouveau groupe au succès international. Pendant ce temps, Kohndo se fait davantage connaître, en participant à toute une nouvelle scène indépendante. De Zoxea lui offrant ses premiers enseignements, à lui-même, apprenant à LIM, il continue cette passation d’une génération à une autre. À travers des ateliers d’écriture, il voit passer notamment la génération de l’Entourage

Les disques croisés de 2023

Cette année, Rocca a sorti un nouveau disque. Produit par le mythique Dj Duke d’Assassin, Cimmaron sonne superbement comme une ode à sa démarche de longue haleine. L’album est aussi comme un hommage au défunt producteur, disparu en 2020. Rocca y apparaît volontairement comme un compétiteur. Le disque est nourri à la sauce Griselda et à ses influences hispaniques. On y retrouve définitivement le perfectionnement de ce New York français dont il était le héros et à travers lequel le rap français s’est un temps forgé. Un très bon album dans lequel le flow impérissable de Rocca se marie étrangement bien à des rimes courtes mais efficaces. Méthode old-school mais concluante dans la confrontation.

Cette année, Kohndo a rendu pleinement disponible sur les plateformes son nouvel album concept, Plus Haut Que La Tour Eiffel. Savant mélange de ses racines française, américaine et africaine, le fil conducteur du disque reste la transmission. Pédagogue musical ou officiel, Kohndo enrobe son récit, que ce soit par les techniques typiques de rimes que La Cliqua a intronisé ou ce flow très aéré, jamais intrusif. 

Ecouter ces deux disques aujourd’hui, c’est aussi redécouvrir deux artistes avec des parcours en grand écart. C’est ouvrir la porte de deux errances qui ont constamment involontairement convergé. C’est aussi se rendre compte d’un héritage et de voir ce qu’ils en ont fait avec réussite. Ce rapprochement en bout d’histoire, il n’a aujourd’hui plus grand sens à l’écoute. Pourtant, c’est bien parce que Rocca et Kohndo se sont toujours gentiment ou brutalement opposés qu’on a envie de les rapprocher.

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