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L’Odyssée du rap français (2ème partie): l’Âge d’or

Dans la deuxième partie de l’Odyssée du rap français vient l’Âge d’or. A partir de 1995, le genre connaît un succès artistique et commerciale. Cette période bénie voit par conséquent l’émergence de noms au premier plan, une effervescence musicale et une distinction des styles.

Avec l’import du Hip Hop, évoquer dans la première partie, le rap français développe petit à petit sa propre identité. Après que les pionniers aient ouvert la voie, s’ouvre une période glorieuse. Souvent appeler l’Âge d’or, c’est à partir du milieu des années 90, que la scène française connaît une explosion à tout point de vue. D’une part, au niveau quantitatif, le nombre de sorties dans les bacs estampillés « rap français », augmente considérablement. Mais aussi à l’échelle commerciale et médiatique qui permet au rap de ne plus seulement être un art de niche.

Le rap français inonde les ondes

Depuis le début des années 90, au moment où l’industrie musicale s’est penché sérieusement sur ce genre juvénile, le succès porte enfin ses fruits. Dans cette réussite commerciale, se détache plusieurs entités du rap français avec des styles différents. L’une des réussites la plus significative est celle de MC Solaar. Avec son deuxième, Prose Combat, Claude MC convainc le cœur du public et les charts. Une sacrée prouesse puisque l’album est certifié double platine, avec plus de 600 000 exemplaires vendus. Et en 1995, c’est la consécration : il remporte la Victoire de la Musique du meilleur artiste masculin. Sur la scène du Zenith, au moment de clore la cérémonie avec « Obsolète », MC Solaar est rejoint par les rookies Ménélik, les Sages Poètes de la Rue et son 501 Posse.

En vérité, c’est grâce à Jimmy Jay, que toute une scène est intronisée dans le sillon du succès du rappeur superstar. Via ses compilations, les Cool Sessions, le producteur attitré des deux premiers albums de Solaar, façonne un rap jazzy, influencé par la Native Tongue (De La Soul, Jungle Brothers, A Tribe Called Quest) et met en selle toute une nouvelle génération de rappeurs.

A cette période, il produit d’ailleurs une flopée d’artistes avec leurs premiers LP. On retrouve notamment le mythique Qu’est-ce qu’il fait marcher les Sages, des Sages Po, le sous-estimé, La Voie du Peuple des Démocrates D, ainsi que les albums de Ménélik et Sléo, Ensemble Pour Une Nouvelle Aventure. Avec leur spécificité, chaque entité se rassemble musicalement dans l’esprit Hip Hop et l’importance est donnée aux textes plutôt positifs et surtout à la performance au mic.

Loin de cette école, Doc Gynéco est issu du Ministère AMER. Pourtant, moins dur que ses collègues, le rappeur est un ovni et son album Première Consultation, un bijou musical. Sortie en 1996, le LP se vend à plus d’un million d’exemplaires. Servi par un son influencé par le g-funk californien – l’album est d’ailleurs confectionné à Los Angeles-, le rappeur pose ses rimes cools et désinvoltes avec son flow flegmatique. Au-delà des tubes légers, limite varièt, l’album présente aussi un côté plus authentique. Par exemple, avec le morceau « Dans ma rue », Doc Gynéco présente son XVIIIe arrondissement, à travers une série de portraits uniques et décalés. C’est aussi avec ce réalisme cru que le rap français se démarque des autres musiques.

Enfin, comment parler l’âge d’or du rap français, sans citer L’école du Micro d’Argent. Avec ce monument, dont il est inutile de reparler tant il a été disséqué en long et en large, les Marseillais placent l’exigence du son et de la réalisation à un niveau presque inégalé. Avec une précision et un réalisme dans leurs textes, AKH, Shurik’n et Freeman se placent tel des journalistes du ghetto. Le morceau « Demain c’est loin », long de 9min, en est un parfait exemple.

Un son à part entière ?

L’âge d’or du rap français est aussi un moment de grandes qualités des productions musicales. Cette maturité du son, on la doit autant au travail des beatmakers qu’à celui des rappeurs dans le processus créatif.

L’Ecole du micro d’argent est une illustration parfaite de ce climax du rap français. Construit dans l’ambiance fiévreuse du New-York de l’époque, les Marseillais créent un son de référence. En effet, les compositeurs DJ Kheops et Imhotep puisent dans la musique trouvée sur place, des samples de Great Black Music et construisent des beats secs et percutants. Ainsi, la musique de l’albumtrès cinématographique et mélancolique, devient la référence du rap français. Pas un rappeur ne s’est pas essayé à freestyler sur une face B de « Nés sous la même étoile » ou « Petit Frère ».

Parmi les producteurs de l’époque qui comptent, on retrouve Sulee B. Wax. Il débute avec son groupe, les Little, en tant que rappeur/ beatmaker. Puis il enchaîne en tant que producteur à part entière. De son travail pour Sté Strausz à d’autres plus grosses pointures, le Vitriot a toujours su tirer son épingle du jeu en s’inspirant de ces homologues américains. Mais tout en faisant sa propre sauce. Il signe d’ailleurs à la fin des années 90, plusieurs classiques dont la prod de « Laisse pas traîner ton fils ».

Certes, le rap français se démarque par la langue, mais du côté du son, elle a toujours gardé cette façon de copier les modes américaines. Le son cinématographique du mafioso-rap du milieu des années 90, influence beaucoup à cette époque. L’un des exemples marquant est Entre Deux Monde, le premier album, de Rocca, membre de La Cliqua, même s’il se différencie en rappant sur sa réalité française. On retrouve le côté festif et positif du Hip Hop, chez Alliance Ethnik, qui rappelle A Tribe Called Quest. D’autres entités essayent également d’être plus singulier, comme Afrojazz qui sort en 1997, Afrocalypse, album trop méconnu. Bien aidé par les productions de DJ Clyde, qui présente un son boom-bap en avance sur son temps, le groupe affiche des revendications politiques, marqués pro-black.

Enfin, la fin des années 90 voit l’arrivée de nouveaux groupes prêt à croquer le rap français. Derrière ces entités, on retrouve souvent des producteurs comme chef d’orchestre. De Pone à DJ Mehdi ou encore Djimi Finger, ces brillants producteurs ont une vision d’ensemble et cherche leurs inspiration en dehors des modèles établis. Toujours dans cette période d’âge d’or, ils ouvrent la scène vers d’autres directions….

Cliquez ici pour lire la 3ème partie de ce dossier…

2 réponses sur « L’Odyssée du rap français (2ème partie): l’Âge d’or »

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