En Décembre 2014, Sameer Ahmad sortait son album « Perdants magnifiques ». Un titre qui se révèlerait presque être prémonitoire. En effet, 7ans plus tard, il nous livre son nouvel opus qui confirme le niveau stratosphérique du rappeur mais qui ne le placera malheureusement pas dans les sommets des charts. Revenons donc sur « Effendi », le dernier album de Sameer Ahmad.
Le rap a ceci d’ingrat que la qualité des albums n’est pas toujours synonyme de résultats en terme de chiffres. Un peu à la manière du football quand certaines équipes qui ont une vraie philosophie et développent du beau jeu ne sont pas récompensés au niveau des trophées. On a l’habitude de nommer ces équipes des perdants magnifiques.
Sameer Ahmad est lui aussi un perdant magnifique. Le montpelliérain reste fidèle à sa philosophie et sa vision du rap. Et ce même si cela ne lui permet pas d’obtenir les chiffres de ventes et la reconnaissance que son talent mérite. Mais le souhaite t’il après tout? Il déclarait en 2015 dans une interview ne « pas vouloir être surexposé » et pouvoir « être un gagnant tout en étant hors des règles et des conventions ».
Son nouvel opus « Effendi » va en tout cas dans ce sens. Cet album de 10 titres combine une musicalité folle et une technique sûre avec une écriture de haut standing. Cette dernière est l’une des premières choses qui fait de Sameer Ahmad un rappeur à part dans le rap d’aujourd’hui.
Rap d’intello ?
Les textes de l’artiste sont bourrés de références littéraires, cinématographiques ou culturelles. A commencer par le nom de ce projet. « Effendi » est en effet un mot Turc qui désigne les gens de loi, les savants ou les lettrés. Le décor est posé ! Et tout au long des 10 morceaux, les clins d’œil à des classiques du cinéma, à la musique (Jazz ou Hip Hop), à la philosophie et à la mythologie se multiplient.
Ça commence dès l’intro sur laquelle on entend un sample d’un western culte, « Mon nom est personne ». Il serait trop long de citer toutes les références qui se cachent dans les couplets du rappeur. Celui qui travaille à la base dans l’enseignement est un spécialiste des textes à tiroirs. Il faudra plusieurs écoutes pour finalement découvrir que derrière une phase se cache en fait une autre phase qui en camouflait peut être une troisième. Comme il aime le dire, il rappe des poupées russes.
« … il t’faudra une seconde écoute car lyrics Matriochka…! »
Sameer Ahmad dans « Matriochka »
Les rimes riches comme le vécu culturel de Sameer Ahmad se succèdent tout au long de « Effendi ». On a affaire a ce qui se fait de mieux lorsque l’on parle d’écriture. Dans ce domaine, peu de rappeurs peuvent effectivement tenir la comparaison.
Rap théâtral !
Mais l’image d’intello n’est en fait pas celle qui convient ! Sameer Ahmad est cultivé, c’est un fait. Il ne se force vraisemblablement pas à inclure toutes ses références. Et il ne le fait certainement pas pour épater la galerie. L’héraultais a étudié le théâtre et est, comme évoqué plus haut, un fan de cinéma et en particulier de Sergio Leone.
Puisqu’il n’est pas réalisateur de films comme il en rêvait plus jeune, c’est avec ses mots qu’il met des images dans la tête de ses auditeurs. Et toutes ces images mises bout à bout forment un tableau qui représente le monde du rappeur.
Observer ce tableau et y entrer en l’écoutant, c’est partir pour un voyage presque mystique. Il suffit de lister le nom des titres qui composent « Effendi » pour accompagner Sameer Ahmad dans un périple entre Occident , Asie et moyen orient.
Incroyable musicalité
Louer la qualité d’écriture d’un rappeur , c’est bien. Mais l’artiste dont on parle ici ne fait pas de Slam. Il rappe et même très bien. Mais un album de rap n’est pas un grand album sans de bonnes prod. Sameer Ahmad confirme cela avec « Effendi ».
Sur les 10 morceaux de l’album, 9 ont été composé par Skeez’up. Sur 2 d’entre elles, il est accompagné de Pumashan et de LK de l’hôtel Moscou ( Nora Miao, Bleu Delta). La prod restante est l’œuvre de Krimophonik. Elles demeurent toutes incroyables. A la fois dépouillées, planantes et Jazzy, elles sont l’écrin parfait aux flows que le rappeur débite avec aisance et une fausse nonchalance au micro. Au final, cette combinaison aide à faire de cet opus un projet à part.
Perdant magnifique
Et ce n’est pas la splendide cover qui viendra contredire cette idée. Créée par BAM, elle illustre à merveille tout ce qui fait la personnalité de Sameer Ahmad et ce qu’il a voulu mettre dans « Effendi ». Entre la typographie utilisée, cette voiture tout droit sorti d’un film des 60’s et cet homme enivré qui se laisse porter, c’est une œuvre d’art à elle seule.
Comme l’homme sur la cover, a l’écoute de Effendi, vous embarquerez avec Sameer Ahmed et vous aussi, vous vous laisserez porter. « Effendi » deviendra alors un de vos albums préférés et vous serez un supporter inconditionnel de Sameer Ahmad. Parce qu’on prend parfois plus de plaisir devant le football débridé de l’Ajax que devant la froideur clinique d’un Bayern Munich. Un perdant mais qui gagne au final quand il vous procure des sensations magnifiques