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21ème siècle, la mort des groupes dans le rap français ?

Aux débuts du rap en France, les groupes étaient majoritaires. Ceux ci ont petit à petit laissé la place aux rappeurs solos. La faute en revient certainement aux changements et évolutions de notre environnement. Que ce soit d’un point de vue social ou technologique, on peut trouver plusieurs raisons à ce phénomène. Nous allons donc tenter d’expliquer pourquoi le 21ème siècle à marqué la disparition de la notion de groupes dans le rap français.

Commençons par mener une petite réflexion. Essayez de citer les artistes marquants du rap français dans les années 90? Les premiers noms qui vous viendront à l’esprit seront certainement NTM, IAM, Les Sages Poètes de la rue, La Cliqua, Ideal J, le Ministère AMER, Lunatic, Assassin, la Fonky Family ou encore Ärsenik. Le point commun entre tous ces artistes? Ce sont tous des groupes. On aurait pu mettre Solaar ou Gyneco dans cette liste, mais force est de constater que les groupes étaient majoritaires dans le rap français à cette période. 

Aujourd’hui, les rappeurs solos sont plus que majoritaires. A de rares exceptions, les artistes évoluent donc seuls. Il y a plusieurs raisons à ce phénomène. Qu’elles soient soient sociales ou technologiques, nous allons tenter de les énumérer pour expliquer la disparition des groupes dans le rap français.

Ensemble, on est plus forts

Revenons tout d’abord aux prémices du rap en France. Il faut savoir qu’écouter cette musique dans les années 90 était un acte marginal. Arrivé avec la culture Hip Hop, le rap était un petit milieu et il était moins facile de rencontrer les personnes qui partagent cette passionnées. Alors ne parlons même pas du fait de faire du rap. Il était considérée comme une musique de « banlieusards » avec tous les connotations négatives que cela véhicule à l’époque. Le rap était vu comme une musique contestataire pratiquée par des « racailles ».

Les artistes préféraient donc affronter le monde en groupe, car c’est bien connu, on est toujours plus fort à plusieurs. Cette notion de groupe était par exemple très présente dans les morceaux de ATK ou La Cliqua. Elle était aussi très importante au sein de NTM, et plus précisément chez Kool Shen. Ce dernier a toujours aimé être entouré et ça se ressent dans un titre comme « That’s my people ». Il en va de même pour IAM. Et ce même si « Les miens », le morceau qui l’exprime le mieux, est paradoxalement extrait de l’album solo de Shurik’n.

Les groupes pionniers du rap français étaient très empreints de valeurs pionnières du Hip Hop, « Peace, Love and Unity » et voyaient cela comme une aventure collective. A l’époque, il était normal de partager ces valeurs à plusieurs pour véhiculer leur message. Le plus bel exemple étant les sages po’ de Zox, Mélo et Dany Dan.

La période creuse

À la suite de ce premier âge d’or, le rap connaît plusieurs difficultés à exister dans l’industrie, à cause de la crise du disque. Le téléchargement illégal contribue à ce que les majors lâchent le monde du rap, il devient de plus en plus dur d’y gagner de l’argent. Certains rappeurs moins motivés que d’autres ont donc opté pour la vie « normale ». A l’intérieur de certains groupes de rap, seuls les plus passionnés ont donc continué l’aventure. Par exemple, Ol Kainry (Agression verbale) ou Disiz (Rimeurs à gages) ont donc poursuivi une carrière solo. Le talent et la persévérances ont fait l’écrémage parmi cette génération de rappeurs.

D’un autre côté, il est normal d’avoir envie de sortir un projet solo. Et cela ne mène pas forcément à une rupture. Les membres d’IAM ont chacun livré des albums de leurs côtés sans que le groupe ne disparaisse. Les divergences artistiques ou les différences de point du vue ont aussi mené à la séparation de plusieurs groupes. On pensera à NTM mais aussi à Lunatic. La complémentarité de B2O et Ali était exceptionnelle mais leurs différences ont eu raison de ce qui aurait pu être le plus grand groupe de l’histoire du rap hexagonal.

Évolution technologique et musicale

Revenons encore une fois aux années 90. Les groupes de rap y étaient souvent composés de plusieurs rappeurs et d’un DJ/Producteur. Parfois même, ils associaient un rappeur et un beatmaker. Il faut dire qu’à l’époque le matériel nécessaire à la production n’était pas financièrement à la portée de tout le monde. Et le nombre de rappeurs étant nettement moins conséquent que dans la période actuelle de surproduction musicale, la demande en terme d’instrus était moindre. De ce fait, les beatmakers et les artistes préféraient s’associer dans une entité afin de travailler ensemble.

Le format du rap a évolué lui aussi. Fini les albums de 20 titres pour une durée d’une heure. Ceux ci ont fait place à des EPs, par définition  plus courts. Et la structure des morceaux qu’ils contiennent à changer également. Avant, on avait des titres de 4 minutes avec 3 couplets entrecoupés de refrain. De nos jours, on est plus prêt des 2 minutes 30, avec plus de refrains que de couplets. Ces derniers sont d’ailleurs relativement courts. 

Donc là où un rappeur solo peut porter seul son projet, les rappeurs des années 90 avaient souvent besoin d’être à plusieurs. Cela leur évitait d’être redondants et de tourner en rond sur 20 pistes et plus d’une heure de son. Les groupes pouvaient donc proposer une musique plus variées qui évitait à l’auditeur de se lasser. Et étant donné qu’ils ne sortaient pas un album tous les 6 mois, il valait mieux que l’on ait envie de réécouter les opus des rappeurs. Ce dont se soucient nettement moins les rappeurs actuels.

Les conséquences d’internet et des réseaux sociaux

Ce dernier point est plus axé sur l’évolution de notre société que sur la musique en elle même. Au risque de passer pour de vieux cons, on peut affirmer qu’internet et les réseaux sociaux ont profondément bouleverser les rapports humains. Alors qu’il est plus que jamais facile de rencontrer les autres, les gens ne sont jamais autant restés seuls. Et il en va de même des artistes.

Entre les réseaux sociaux et l’avènement des plateformes de streaming, il n’a jamais été aussi simple de partager sa musique. On peut le faire depuis sa chambre sans dépenser des milliers d’euros ni même être signé. Et en gardant un certain anonymat également. Il n’y a donc plus besoin de se confronter physiquement à un public et aux critiques sur sa musique. À l’époque où cela était obligatoire, on préférait le faire à plusieurs.

De nos jours, on est fort seul et encore plus derrière son ordi. Même le fait de se fournir en productions n’est plus un souci. Pas besoin d’avoir son propre beatmaker. Les prods s’achètent ou se téléchargent sans problèmes et souvent pour des prix très très abordables. Cela facilite encore le fait d’évoluer seul.

Enfin, les gens , peut être encore à cause des réseaux sociaux deviennent encore plus égoïstes et autocentrés. Les jeunes artistes ne ressentent sûrement plus le besoin de produire de la musique à plusieurs et ont perdu cette notion de partage qui était à la base de cette musique.

Alors, certes, il demeure quelques exceptions dans le paysage actuel. PNL pour ne citer qu’eux agissent en groupe. Il reste également quelques collectifs comme l’Entourage, mais on est plus sur une structure où chacun développe sa carrière que sur un véritable groupe. Seuls les dinosaures du rap sont encore présents sous forme de groupes. On en est donc arrivé à un stade où on réclame des albums collaboratifs entre 2 artistes pour retrouver un semblant de cette notion de partage si chère à notre bien aimé RAP. 

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