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Boulogne Billancourt : capitale du rap français

Boulogne Billancourt est une ville des Hauts de Seine de la très proche banlieue parisienne. Accolée au très huppé 16ème arrondissement, elle est surtout connue pour son célèbre bois et sa vie nocturne ainsi que pour avoir abrité les usines de la marque de voiture Renault.

La ville a aussi la réputation d’héberger une population plutôt aisée mais cultive malgré tout une certaine mixité sociale. C’est grâce à cette mixité que cette chic banlieue a vu naître et grandir certains des rappeurs les plus talentueux et influents de l’hexagone.

Les artistes ayant explosé pendant la première époque dorée du hip-hop français et qui sont issus de la ville, cultivent une identité forte et font partie de ceux qui ont le plus influencé le mouvement rap de cette période, voire des suivantes.

Retour sur 3 groupes et rappeurs qui ont installé cette ville à la fois bourgeoise et industrielle comme la place forte du rap français des années 90-2000.

Les Sages Poètes de la rue : Les pionniers

Le groupe fait partie des pionniers du rap français, puisqu’il s’est formé en 1993. Il est le fruit de l’union de deux frères, Zoxea et Melopheelo et de leur pote Dany Dan.

Leur première apparition discographique date de 1993 sur les « cool sessions », produites par Jimmy Jay. Éloignés de la tendance hard-core et politiquement engagés, les 3 rappeurs de Boulogne défendent une certaine idée du rap et des valeurs de partage, d’amour et de fraternité qui sont les bases du mouvement hip-hop. Des valeurs défendues sur leur premier album « Qu’est ce qui fait marcher les sages ? », sorti en 1995.

Une façon d’envisager et de pratiquer le rap qui sera encore plus marquée sur leur second album paru en 1998, « Jusqu’à l’amour », qui tranchait encore plus avec le rap hard-core qui était devenu une norme.

Mais on ne peut réduire le trio qu’à leur état d’esprit. La qualité de leurs productions souvent dues à l’architecte Melopheelo ainsi qu’à son frère Zoxea, leurs flows si novateurs, leur écriture fine et pointue font du groupe, une des plus grandes sources d’influence pour tous les rappeurs ayant grandi avec leur musique.

Et si le groupe est si talentueux, c’est aussi parce qu’individuellement, les 3 artistes font partie des meilleurs dans leur domaine :

 Melopheelo est un producteur hors-pair, doublé d’un excellent rappeur.

Zoxea est une icône du rap hexagonal, une véritable bête d’improvisation, un rappeur technique avec un flow inédit et également un bon producteur.

Dany Dan est un poète contemporain. Une plume dingue au service d’un flow incroyable, qui le place souvent au statut de meilleur rappeur de France, pour bon nombre de spécialistes.

Leur sens du partage se matérialisera avec la création de leur propre structure en 1995: le légendaire « Beat de Boul ». Le but ? Placer Boulogne sur la carte du rap français et aider les jeunes de leur quartier du « Pont de Sèvres », à percer et à propager leur musique.

La liste des artistes ayant bénéficié de l’exposition offerte par ce collectif laisse rêveur, tant ils ont compté dans le paysage du rap français du début des années 2000. De Lunatic à Malekal Morte en passant par Nysay ou Mo’vez lang, tous doivent beaucoup et peuvent remercier les poètes de Boulogne. Et nous aussi d’ailleurs !

Booba : Le Duc

Est-il vraiment nécessaire de présenter Booba ?

Après avoir commencé sa carrière en tant que danseur auprès du collectif La Cliqua, c’est avec le beat de Boul et les Sages Po’ qu’il fait ses premiers pas comme rappeur. C’est même Zoxea et sa clique qui produiront le premier album de Lunatic, duo qu’il formait avec Ali. Un projet qui ne verra jamais le jour à cause de divergences entre les auteurs de mauvais œil et les Sages Po’ !

Se revendiquant originaire du quartier du Pont de Sèvres, B2O est un des rappeurs qui a le plus clamé son appartenance à la ville du 9-2. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si un de ses titres les plus iconiques se nomme « Boulbi », un véritable hymne pour toute une génération.

Doté d’un ego surdimensionné, il s’était autoproclamé « Duc de Boulogne », un titre par lequel il s‘octroie une certaine noblesse et légitimité.

Si malgré les embrouilles, il doit évidemment beaucoup au groupe de Melo et Dany Dan, il est indéniablement au vu de son énorme carrière et de sa longévité, le rappeur que tout amateur de rap citera en premier lorsque l’on parlera de Boulogne Billancourt.

Il peut en effet se regarder dans le miroir et se dire qu’il siège sur le trône du rap français, du haut de ses plus de 20ans de carrière, même s’il n’est « que le Duc » de la ville du 9-2.

Salif : le fils prodige

Lui aussi, originaire du Pont de Sèvres, Salif fonde en 1995, le groupe Nysay avec son pote EXS. Ils se feront remarquer par Zox et les Sages Po’ (encore eux). Le groupe sortira plusieurs albums.

En ce qui concerne sa carrière solo, il signera par l’intermédiaire de Zoxea au sein du label « IV mypeople » de Kool Shen, moitié de NTM. Son premier album, « Tous ensemble…chacun pour soi », sorti en 1998 et sur lequel la majeure partie des titres est produite par Madizm, est une véritable claque!

Le rappeur résolument orienté rap de rue, doté d’une technique bien au-dessus de la moyenne et d’une voix reconnaissable, fait preuve d’une écriture, d’une authenticité, d’une sincérité et d’un recul absolument incroyables pour son âge. Tout cela en fait, à l’époque, le digne héritier de ses prédécesseurs boulonnais : celui qui aurait pu et dû s’asseoir sur le trône.

Mais, ce sont justement ses contradictions et son ambivalence qui faisaient sa force et sa particularité, qui viendront à bout de la carrière de rappeur de Salif.

Coincé entre la rue et la religion, entre ses penchants pour l’alcool et le droit chemin, déçu par une industrie musicale qui le prive de la liberté dont il a besoin pour s’épanouir, c’est après 4 albums solos extraordinaires et un bon nombre de classiques, qu’il se retirera du rap Game en nous laissant sur ces mots :

« Je ne veux pas être esclave d’une musique moi, je suis un homme libre… » !

Mentions spéciales à d’autres rappeurs de Boulogne : Mala , LIM, Sir Doums…

4 réponses sur « Boulogne Billancourt : capitale du rap français »

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