Les œuvres d’arts considérées comme cultes aujourd’hui, et quelque soit le médium, partagent toutes un dénominateur commun : leur sincérité. S’ouvrir, exposer ses traumatismes, parler de ses peurs et de ses craintes. L’histoire de l’art est jalonnée d’œuvres toujours plus dramatiques que la précédente. Et évidemment, le rap n’échappe pas à cette règle. C’est pourquoi aujourd’hui, on désire vous parler de l’un des albums les plus touchants de ces dernières années, « Tristesse Business Saison 1 » de Luidji.
Qu’est-ce qu’un bon album ?
Avant même d’essayer d’aller plus loin dans l’analyse du projet, il nous semble important de revenir sur une question. À partir de quel moment peut on considérer qu’un album est réussi ? Question simple à la réponse terriblement complexe… Le sens commun s’accorde à dire qu’un album est bon dès lors qu’il respecte son médium et qu’il touche son public. À ça, il faut apporter une nuance. Puisque pour beaucoup un album est bon, non pas quand il présente des qualités techniques, mais quand il démontre une sincérité pure. Dans l’esprit de beaucoup de personnes, on peut diviser les artistes en deux catégories : les bons et les mauvais.
Un bon artiste serait alors quelqu’un qui désire utiliser l’art pour pouvoir s’exprimer. L’art est vecteur de sentiment. L’artiste peut et doit se permettre de parler non pas avec son cerveau, mais avec son cœur. C’est d’autant plus visible dans le rap. Dans notre très cher art de rue, le sujet importe peu. Comme dit souvent, le hip-hop est l’art de ceux qu’on n’écoute pas. Alors de ce fait, hiérarchiser les sujets semble absurde. Cependant, à défaut d’avoir une liste de sujets à respecter, on a une manière à observer. Aujourd’hui plus que jamais, on doit mettre un point d’honneur à véhiculer un message de sincérité dans notre art. Les rappeurs peuvent parler de ce qu’ils veulent, mais doivent le faire avec la meilleure volonté du monde.
On en vient alors à ce qui fait qu’un artiste peut être mauvais. Réfléchir de manière opportuniste, traiter des sujets qui ne l’intéressent pas et ne le concernent encore moins, calculer sa manière d’écrire pour marcher…Tous ces exemples peuvent servir à qualifier un artiste de mauvais. Pour en revenir donc à notre sujet initial, vous l’aurez compris le rappeur dont on parle ici se trouve dans la première catégorie. Après presque 7 ans d’activité, Luidji nous sort son premier album : Tristesse Business Saison 1. On considère souvent cet album comme un véritable bijou, une pièce maîtresse et un cas d’école du genre. Il faut maintenant comprendre comment et pourquoi le public l’aime tant.
Faire de son art un véritable exutoire.
Après des extraits qui auront vivement piqué l’intérêt du public, « Néon Rouge / Belle chanson », « femme flic » et « Mauvais réflexe », Luidji nous sort donc son premier album studio « Tristesse Business Saison 1 » le 26 avril 2019. La construction de TBS1 est en réalité la première grande qualité du projet. Dans le rap français, on a trop souvent l’habitude d’albums mélancoliques portant sur un artiste en pleine rupture, rongé par la culpabilité. Là où Luidji se démarque dès le départ, c’est dans son choix d’aller plus loin que ce simple postulat. En effet, Tristesse Business Saison 1 est un album concept dans lequel Luidji se livre à une psychologue sur les effets néfastes qu’ont eu ses relations amoureuses. Et ici, à défaut de regretter une bien aimée à la suite de stupides erreurs, Luidji est perdu, en colère voir même anxieux.
Alors oui, il semble souvent nostalgique. Mais cette nostalgie est toujours traduite par une envie de retrouver une certaine forme mentale, bien plus qu’une personne. Et rien qu’avec cette idée, TBS1 s’annonce comme un brillant projet. Là où trop d’artistes choisissent la facilité, le calcul pour toucher de manière factice la corde sensible d’un public, Luidji n’a qu’une seule idée en tête : être sincère. Et on arrive parfaitement à ce qui a été dit au début. Luidji déborde d’une sincérité constante, d’une envie d’exposer au monde les cicatrices que lui ont infligé toutes ses relations. Et cette bienveillance pour son médium est visible dès le début de l’album.
Avec l’introduction « Des gens qui s’aiment », on arrive à une deuxième grande qualité : sa richesse. Luidji est un amoureux de musique, et n’hésitera pas à y retranscrire tout son amour pour des genre qui l’ont fasciné. L’album s’ouvre sur un son triste, tragique, à l’ambiance assez obscur où règne le désespoir d’être perdu parmi une foule. Cette colère de Luidji est magistralement bien mise en scène par une référence d’un genre de variété française assez ancienne, qui traiterait du désespoir sentimental. Luidji décide donc dans cet album de justifier ses choix artistiques par ses thématiques et c’est une idée absolument brillante. Parce que de fait, l’album présente une vraie identité, une raison d’exister.
Dans le titre « Néons Rouges / Belle chanson », le ton des deux parties peut sembler être assez introspectif, comme se demandant ce que Luidji voudrait être plus que tout. « Est-ce qu’il ne va pas revenir ? Il est en train de devenir celui qu’il a rêvé d’être » est une phrase à double sens. Dans le contexte du son, on peut imaginer Luidji comme dépassé à l’idée d’être père et fuir ses responsabilités. Mais on peut aussi y voir une métaphore, l’envie de tout quitter pour se retrouver et devenir meilleur.
Sentiments et cohérence
Et c’est pour ça que l’album est aussi bon, c’est parce qu’il est cohérent. Il est cohérent parce qu’il traite sa place dans l’industrie avec le majestueux « Veuve Clicquot ». Ce titre semble montrer en Luidji une véritable résurrection grâce à sa musique. Le choix d’instru’ très « Hustler » dans l’âme y est donc tout à fait logique. On peut penser à « 3 ans », titre vraiment dramatique à l’instru’ assez sombre qui traduit une vraie frustration du rappeur. L’album est une totale réussite parce qu’avant même de proposer un produit artistique, Luidji désire s’exprimer, se livrer pour retirer un poids qu’il avait. Tristesse Business Saison 1 est un album magnifique, beau, subtil, par instants tragique, à d’autres épique. Mais surtout, il est toujours juste.
Luidji comprend son art. Il comprend les thématiques qu’il aborde et le fait avec une passion débordante. Si le projet à autant marqué ses fans, c’est aussi pour cette raison. Quoi de mieux pour se retrouver en quelqu’un qu’une véritable œuvre artistique basé sur du vécu. De la sincérité pure, une maîtrise de ses codes, un amour absolu pour son art et surtout, une ambition dantesque. Tristesse Business Saison 1 est un album pour les gens qui n’aiment plus leurs prochains, mais qui aiment leur art.
Une réponse sur « Luidji – « Tristesse Business Saison 1 »: Ouvrir son cœur à la musique »
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