Le mois de mai 2023 a offert au rap français deux concerts qui rentreront probablement dans l’histoire. Le premier, Makala, figure du rap suisse, a apporté la mentalité genevoise à Paris pour brûler un Olympia plein à craquer. Et le deuxième, Luidji a rempli deux Zéniths de Paris en performant encore et toujours son indéboulonnable classique, Tristesse business saison 1. Dans leurs réussites, Luidji et Makala, devenues de véritables rockstars, ont mis la lumière sur leur équipage. La première partie de l’Olympia a été confiée au talentueux Mairo. Tandis que Tuerie a ouvert les deux show de Luidji. Cela tombe bien puisque les deux rappeurs ont publié respectivement un EP ce mois-ci. Omar Chappier pour Mairo et Papillon Monarque pour Tuerie.
Mairo – Omar Chappier
Si IntergénéRaptions n’a pas eu la chance d’assister à l’Olympia de Makala, nous étions à Lyon, la veille pour le 1863 Tour où Mairo était programmé. Même à 3h00 du matin, le rappeur suisse est arrivé bouillant au Ninkasi Kao et a légitimé son statut de rocktar. Il n’a d’ailleurs pas caché sa joie et son respect envers le public lyonnais, qui « même après une semaine, connaissait les paroles ». Car, cette date était l’occasion de fêter la sortie de son dernier E.P, Omar Chappier.
Sur cet EP, Mairo régale avec l’étendue de ses skills. 20 minutes de dribbles oraux, de roulettes, passements de jambes et frappes brossées en lucarnes. D’un point de vue purement technique, le projet est excellent. Les flows sont variés tout comme les prods qui ne se limitent pas au boom-bap. Sa justesse d’écriture est aussi frappante. Si elle ne se définit pas par un côté poétique, les phrases sont bien trouvées et sonnent juste. Le premier morceau, « la mouche » est une démonstration de force, un florilège de punchlines et d’arrogance.
L’une des attractions du projet est la collaboration avec NeS, dont nous vous parlions le mois dernier, et Wallace Cleaver. Le crossover tant attendu n’a pas déçu. Sur « Larousse », les rookies font l’étalage de leurs styles d’écriture nouvelle, prêtent à devenir la référence.
Mairo, futur référence d’un rap technique ?
Mairo rappe avec élégance et attitude. Il n’est pas sans nous rappeler Alpha Wann ou Dany Dan. Autant que ces illustres aînés, mettre autant l’accent sur la technique sans pour autant négliger le fond, n’est pas chose simple. C’est ce que veut démontrer le rappeur suisse avec cet EP. Surtout, le cavalier sans tête veut prouver au monde qu’il est le meilleur, avec comme porte-étendard, Genève.
Le rap Suisse est actuellement en pleine expansion. Si Di-Meh, Slimka et Makala sont titulaires, Varnish la Piscine, Rounhaa, Aamo, Dewolph ou Mairo sont d’ores et déjà bien plus que des remplaçants de luxe. Avec Omar Chappier, Mairo se place comme tête de gondole du renouveau suisse.
Tuerie – Papillon Monarque
Nous n’étions donc pas à l’Olympia de Makala, mais nous étions au Zénith de Paris pour voir Luidji. Tuerie a profité de sa première partie, pour jouer son dernier EP, Papillon Monarque. Pour introduire le public a son univers, le rappeur a offert un film de 8 minutes.
Ce qui intrigue d’abord avec cette nouvelle sortie, c’est le tire du EP. Une ancienne croyance indigène affirmait que nos défunts se réincarnent en papillon monarque. Ainsi, l’arrivée de ces insectes à chaque saison coïncide avec le retour des âmes des morts. C’est sous ce signe que Tuerie décide de faire son retour presque 2 ans après Bleu Gospel.
Fini les influences gospel, l’artiste opte pour des sonorités soul, toujours grandioses. Les guitares, violons, piano et batteries organiques apportent de la consistance à des morceaux touchants et sincères par l’écriture et l’interprétation du rappeur. Tuerie se livre encore un peu plus. Il met le doigt sur ses problèmes personnels actuels. Son statut de jeune père, le manque de reconnaissance, mais également son rapport à son art. Il garde néanmoins toujours un coté égotrip, pour rappeler qu’il reste avant tout un rappeur.
« Ta maison d’disque trafique les ventes. Pendant qu’je
Tuerie – « G/ Bounce »
J’baise le RN, le KKK, Marion Le Pen et sa tata. «
Tuerie ou l’écriture juste
Nous ne pouvons pas parler de cet EP, sans évoquer les deux morceaux qui nous ont le plus touchés. « No more » et « Là ou on dort heureux » sont deux ballades grandioses. Si le deuil a souvent inspiré les artistes, « Là ou on dort heureux » expire un souffle de paix et de sérénité rare. L’écriture y est juste, l’interprétation nous emporte dans nos pensées. Le chœur féminin sur le refrain n’y est pas pour rien.
« No more » est aussi un morceau spécial. La liaison français/anglais est une prise de risque, mais le morceau relevé par une ligne de drums, fonctionne parfaitement. L’envolé de violon pour clore ce titre ne vient que sublimer la prestation.
« C’est sur ton cœur qu’il faut mettre de l’autotune. »
Tuerie – « No more »
Ainsi, l’écurie Foufoune Palace vise juste une fois de plus, avec la qualité en guise de promo. Le label entame une course effrénée en 2023 puisqu’il faut aussi mentionner le super projet de Beeby, UN GRAND COEUR DANS UN MONDE DE FILS DE PUTE. Le disque est passé entre les mailles du grand public, mais mérite tellement plus d’attention, au vue de la proposition artistique. Luidji a également annoncé la sortie de son prochain album, Tristesse Business, Saison 00, pour le 23 juin. Une raison de plus de vous parler prochainement des travaux du label.