Catégories
Coup de coeur

Guizmo, de « Normal » à « 10 ans »: il était l’élu

En 2021, Guizmo fêtait ses 10 ans de carrière. Pour marquer le coup, il sortait donc son 10ème album solo sobrement intitulé « 10 ans ». Une belle longévité en soi. Mais lorsqu’on regarde sa carrière, qu’en est-il du rappeur considéré par beaucoup d’auditeurs, comme celui qui s’assiérait sur le trône du rap français ? Billet d’humeur.

Lorsqu’une personne marque un domaine de manière légendaire, la recherche d’un successeur devient une quête qui occupe beaucoup les esprits. Le sport par exemple, se conforte à cette idée que ce soit dans le foot avec le nouveau Zizou ou dans le basket avec le nouveau Jordan. Cela vaut évidemment aussi pour la musique. On catégorise untel comme le nouveau Mickael Jackson ou la nouvelle Beyonce. Dans le monde du rap, plus égocentrique, on a plus tendance à chercher celui qui posera ses fesses sur le trône. 

Au début de la décennie 2010, le rap français débute une nouvelle ère. En effet, les rappeurs du premier âge d’or du rap français sont moins exposés sur le devant de la scène, ou ont arrêté leur carrière. Les superstars des années 2000 sont un peu dans le creux de la vague. La plus grande vendeuse de l’époque Diam’s a arrêté sa carrière, les dernières sorties de Rohff sont plutôt mal reçues par son public et Booba qui a opéré un virage musical avec 0.9, déçoit ses fans de la première heure. Mais le terrain semble propice à toute une nouvelle génération qui pointe le bout de leur micro.

La claque de la découverte

A titre personnel, à l’aube de cette nouvelle décennie, je peinais à trouver un rappeur qui me fasse vibrer. Lino se montrait discret comme à son habitude. Salif aspirait déjà à être une homme libre et Fabe avait carrément tourné le dos au rap. Mais en fouillant sur le net, je découvre un rappeur qui m’est alors inconnu. Il est plein d’assurance, rap très bien et écrit très bien également. Et en plus, il fait preuve d’une authenticité et d’une sincérité bluffante. Son nom: Guizmo. 

Alors qu’il fait encore parti du collectif L’Entourage, je découvre des freestyles dans lesquels il pose sur des instrus old school avec une facilité déconcertante. Tout en technique et en assurance. Il a le côté technique de ses compères de L’Entourage mais y ajoute une caution street que j’affectionne. Le compromis est parfait pour moi. 

C’est donc à cette période, en 2011, que sort son premier album de Guizmo, « Normal », sorti sous la bannière du label Y&W. Et là, c’est la claque. Dès l’intro éponyme de ce 16 titres, je suis conquis. Avec ce premier album, le rappeur marque le coup et démarre une carrière à suivre attentivement.

Après une embrouille avec L’Entourage, Guizmo opère seul. Alors dès l’année suivante, il sort son deuxième album solo « La banquise ». BIM, deuxième gifle. L’opus est une masterclass. Le rappeur parle de rue, fait dans l’egotrip mais pas que. Il dévoile des blessures plus que personnelles. La mort de son père, la trahison des anciens potes et surtout son addiction à l’alcool. Et pour ne rien gâcher, il excelle sur les morceaux fleuves. Ses titres de plus de 4mns sans refrain et avec un couplet unique sont une réussite. Un format que j’aime particulièrement.

C’est donc décidé, Guizmo est mon nouveau poulain et je suis sûr qu’il sortira classique sur classique pendant les 10 ans à venir. Plus que ça, je suis convaincu à cette période que le rappeur de Villeneuve-la-Garenne est l’élu. Il doit être celui qui ramènera l’équilibre dans la force.
A cette période, Guizmo sort disque sur disque. En 2013, l’album sous-estimé, « Jamais 203 », avec Mokless et Despo, et ses solo « C’est tout » et « Dans ma ruche » me confortent dans mon avis. 

 » Tu étais l’élu… »

Mais Guizmo « était beau, il était bien portant. Il fallait bien s’douter que ça partirait en couille comme la fin d’un roman ». Comme Anakin, qui était l’élu, le rappeur possède des capacités qui sortent de l’ordinaire. Mais il est également rongé par ses démons intérieurs. 

La vie de rue empêche en effet le rappeur d’élargir ses écrits. C’est surtout ses addictions qui commencent à avoir raison de lui. Toute cette vie mouvementée influence ses sorties. Sur les disques après 2015, Guizmo apparaît moins fringuant, plus fatigué. Sa sincérité concernant son état dépressif et son alcoolisme est toujours poignante. Mais cela semble presque devenir un argument marketing pour son label. Il suffit part exemple de jeter un œil sur la cover de « #GPG » pour s’en rendre compte. Le rappeur s’enfonce vers le côté obscur canette de bière en main et amaigri.

De plus, la vague trap est passée par là. Si son style à ses débuts est résolument old school, Guizmo doit suivre l’évolution s’il veut s’assoir durablement sur le trône. Chose qu’il ne fait pas. Pire, il tourne en rond. Voir même, il fait marche arrière. 

Dieu merci pour lui, ses suiveurs lui restent relativement fidèles. Et en 2017, Guizmo semble mieux. La musique semble finalement lui servir de thérapie pour exorciser ses démons. En 2017, il revient avec le très bon « Amicalement votre ». Enfin un pas vers l’avant. S’en suit en 2018 « Le renard ». Un bon album mais loin d’être son meilleur malgré quelques bons titres. Avec « Le renard », le lien est facile a faire avec le chanteur Renaud. Lui aussi était doté d’un talent incroyable et d’une sincérité folle. Mais lui aussi était rongé par ses problèmes d’alcoolisme. Ce qui procure, il faut le dire, un sentiment d’immense gâchis. Mr Guizmo serait donc un second Mister Renard. C’est alors ce qu’on pouvait penser en 2018.

L’espoir renaît

Mais Guizmo n’est pas un renard. C’est un phœnix. Il renaît de ses cendres à chaque que l’on pense l’avoir perdu. Fin 2020, il revient (encore une fois) avec un nouvel opus. Et Guizmo choisit sobrement de le nommer « Lamine », son prénom à l’état civil. On est donc face à quelque chose de personnel et d’authentique. Rien de surjoué. Chez moi, l’espoir renaît. Guizmo livre,avec ce disque, un de mes 10 albums préférés de 2020. Les thématiques sont en effet plus variées. On retrouve aussi un peu de l’énergie des débuts. Et il parait enfin aller mieux et combattre ses démons. Il contient bien sûr de la nostalgie (« Si tu m’entends » ) car il n’a pas fondamentalement changé. Mais un titre comme « Elle », par exemple, témoigne de son envie de s’en sortir. Bref, je retrouve le rappeur que j’aimais tant.

Fin 2021, Guizmo sortait « 10 ans » comme le nombre d’années qui le sépare de son premier opus solo. L’album est encore une fois un bon album. J’aime les sonorités qui s’en dégagent. Son sens de l’interprétation et sa sincérité sont toujours présents. Mais on le sent presque épuisé. Comme si Guizmo était lessivé par 10 ans de carrière musicale et de combats personnels en même temps. Il a d’ailleurs dû annuler des dates de concerts sur avis médical. Les démons du rappeur ne sont jamais loin. Peut être devrait-il prendre plus de temps pour lui et sortir ses projets moins fréquemment. Cela apporterait certainement de la fraîcheur à chacune de ses sorties.

Cover de « 10 ans » de Guizmo

Malheureusement, Guizmo n’aura réellement jamais confirmé les énormes espoirs que j’avais placé en lui. Mais au fond, ses luttes internes et le fait de faire la musique comme il le sent sont certainement plus importants que de satisfaire un énième auditeur comme moi qui voulait que son chouchou devienne le roi du rap français. Et si celui que je considérais comme l’élu n’a pas conquis le rap hexagonal, il reste néanmoins un des rappeurs qui m’ont fait le plus vibrer. Il s’en fiche certainement, mais il fallait qu’il le sache. Merci le renard !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *