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Fabe, l’impertinent qui manque au rap français

Chez Ignr, on a pour habitude de dire que « le rap,c’était pas mieux avant, c’est pas mieux maintenant, c’est mieux tout le temps ». Cependant, on a une affection particulière pour les artistes qui rappent , qui écrivent bien ou qui sont engagés. Parmi les rappeurs qui réunissent tous ces critères, il y en a un qui viendra de suite à l’esprit des vrais amoureux du Hip Hop hexagonal. Son nom: Fabe. Alors parlons de l’impertinent qui manque tant au rap francais.

Parfois la carrière d’un artiste s’arrête brutalement alors qu’il semble être au sommet de son art. Cela a souvent pour conséquence de l’élever inconsciemment au statut d’artiste culte dans l’esprit du public. C’est le cas avec des artistes décédés prématurément comme Tupac et Biggie ou de manière peut être moins légitime avec XXX Tentacion. Et puis, il y a aussi ceux qui sont toujours en vie mais qui ont décidé volontairement de mettre un terme à leurs carrières. Dans cette catégorie, on retrouve par exemple Diam’s, Salif et Fabe. Et c’est à ce dernier que l’on va s’intéresser dans cet article. 

Le Parisien est considéré par beaucoup  de connaisseurs comme un des meilleurs rappeurs de l’histoire du pays. Et ce parce qu’il regroupait toutes les qualités énoncées dans l’introduction de cet article. Alors certes, Befa était un formidable rappeur mais ce qui en faisiat un artiste à part, c’était son aura et son côté contestataire. Comme la Scred connexion, collectif dont il aura été un dès fondateur, il n’aura « jamais suivi la tendance mais aura toujours été dans la bonne direction ». C’est d’ailleurs ce que suggérera le nom de son premier album « Befa surprend ses frères ». 

Quand Befa surprenait ses frères

Sur ce premier opus sorti en 95, le titre phare « Ça fait partie de mon passé » le posera déjà comme un rappeur un peu à contre courant. Il livre en effet un titre plutôt introspectif et agréable à écouter à une époque où le rap est dur et engagé. Un succès qui fera que les gens le classeront hativement dans la même catégorie que Solaar plutôt que dans celle de NTM ou Assassin.

Pourtant, en terme de revendication, de prises de positions et d’amour du hip hop, Fabe n’a rien à envier à ses contemporains. Celui qui a commencé par le graffiti le prouve lors d’un passage dans l’émission  Taratata de l’animateur Nagui en 1995. Il s’y prendra la tête vigoureusement avec l’animateur et ses invités en leur demandant explicitement de respecter et de ne pas tourner en ridicule les rappeurs, le hip hop et ses valeurs. 

Le Fond et la Forme

Il apportera également la preuve de son engagement avec son deuxième disque « Le fond et la forme ». Cet album porte lui aussi magnifiquement son nom. Car en plus d’une plume de haut standing faite d’assonances et de rimes multisyllabiques, il y pose des couplets engagés.

Comment ne pas citer le revendicatif « Lettre au président », manifeste d’engagement social et politique. Ce disque contient également le classique « Des durs, des boss, des dombis ». Un titre culte sur lequel il s’en prend aux rappeurs qui s’inventent des vies et privilégient donc la forme au fond. Il y clashe Stomy Bugsy, NTM et Booba ( « Pour en parler, faudrait qu’j’me fasse mal au dos »). Cette dernière punchline donnera d’ailleurs naissance à une phase du morceau la lettre de Lunatic pour ce qui est peut être le premier clash du rap français.

Détournement de son

L’alliage parfait du fond et de la forme auquel il tient tant, Fabe l’atteindra dans son 3eme album « Détournement de son ». Ce monument sorti en 1998 contient lui aussi des titres conscient dans la lignée de ses précédentes galettes. Citons par exemple « Code Noir » ou l’immense « L’impertinent ». Dans ce titre tout en insolence, il peut tout aussi bien inviter la jeunesse à s’éduquer et à s’élever socialement que s’insurger et cracher sur les idées des hommes politiques et surtout de l’extrême droite. 

Mais sur certains titres, Fabe mêle une écriture quasi poétique à son engagement social pour signer des morceaux absolument magnifiques. On vous conseille vivement d’écouter « Comme un rat dans le coin » ou « Correspondance » pour vous rendre compte du talent que Fabe possédait. Et dans un registre un peu plus léger; plus personnel mais tout aussi conscient, « Quand j’serai grand » est également un chef d’œuvre.

La rage de dire

En 2000, Fabe sortira son dernier album « La rage de dire ». Un titre encore une fois explicite. C’est en effet un rappeur arrivé à maturité qui livrera 18 titres d’une écriture folle sur lesquels il dénonce avec véhémence les inégalités sociales. Ce n’est pour rien qu’il s’y autoproclame « L’emmerdeur public n°1 ».

Évidemment, certains rappeurs en prendront aussi pour leurs grades. Il s’en prend effectivement au 113 ou à Disiz sur le titre « Remballe » en feat avec Mokless. Peut être un peu moins moins abordable musicalement que ses prédécesseurs, « La rage de dire » reste malgré tout un des plus grands albums de cette période.  

Cet opus sera donc son ultime trace dans le rap français. Plusieurs raisons viennent expliquer cette fin de carrière. Peut être était il lassé de s’engager et de voir que la situation ne s’améliorait pas et même pire qu’elle empirait. Plus certainement, Befa ne se retrouvait plus dans le rap. Sa deconscientisâtion et l’avènement du rap de rue auront eu raison de ses convictions. Et enfin, chose certaine, il se convertira à l’islam dont la pratique n’était pour lui pas en accord avec celle du rap. Il l’expliquait d’ailleurs dans une interview pour un blog consacré à la religion musulmane.

Un grand héritage mais peu d’héritiers

Fabe aura donc laissé le rap presque orphelin de plumes de qualité et conscientes. Il y aura bien eu ses collègues de la Scred, les rappeurs de La rumeur ou Casey pour reprendre le flambeau. Bien évidemment Salif appartenait également à cette catégorie. Mais il a lui aussi mis fin à sa carrière. Les rappeurs du calibre et de la lignée de Fabe se compte sur les doigts d’une main.

« La vie est une manif’, la France une vitre et moi un pavé… »

Fabe – « L’impertinent »

Aujourd’hui, encore quelques artistes comme Vins, Djado Mado ou Carson, pour ne citer qu’eux, allient l’amour du rap, la qualité d’écriture avec ce côté poil a gratter n’hésitant pas à utiliser le name dropping pour dénoncer certaines aberrations sociales et politiques. Mais, ils sont malheureusement trop peu nombreux. Voilà pourquoi Fabe, l’impertinent, manque tant au rap français.

8 réponses sur « Fabe, l’impertinent qui manque au rap français »

En soit, très bon article, qui résume un peu Befa… y’aura tellement à dire de lui qu’il faudrais un bouquin, mais… autant citer La Rumeur, et Casey comme étant de la même trempe, c’est sûr… Salif, déja un peu moins, à part peut être sur quelques titres… Mais « Vins, Djado Mado ou Carson »… vraiment????
J’espère qu’il s’agit d’un placement de copinage (dont je ne verrais pas l’intérêt, mais bon, why not); parce que, sans dénigré ce que font ces derniers rappeur cités, vu le contenu des textes et themes abordés, je pense qu’ils auraient surtout pu être ciblés, entre autre, par le titre « remballe » justement ^^

Enfin bref… ceci étant, Befa est mieux là où il est 😉

Bonne continuation 😉

Fabe c’est l’anti Booba! Fabe c’est l’essence du « rap fr » fabe c’est la conscience qui mene a l’elevation.
Paix a lui ainsi que a sa famille. Son chemin est respectable. Qu’Allah le preserve.

Tout à fait d’accord avec toi à 1000%.
Fabe inégalable même encore aujourd’hui pour moi le meilleur sans contestation

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