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Furax Barbarossa, interview sans langue de bois

À l’heure des bilans 2022, l’album Caravelle de occupait le haut du panier. Alors qu’il continue sa tournée dans toute la France, IntergeneRaptions a eu la chance de s’entretenir avec l’une des plus belles plumes du rap actuel. Voici notre interview de Furax Barbarossa.

Alors que Caravelle est sorti au cœur de l’été 2022, il a très vite fait l’unanimité au sein de la rédaction d’IGNR. Il était donc logique pour nous de chercher à nous entretenir avec son auteur. Son album, sa vision du rap, son rapport a l’écriture, autant de sujets que nous voulions aborder avec lui. Entre deux dates de tournée, Furax nous a consacré du temps pour répondre à nos questions, sans langue de bois.

IntergeneRaption : Caravelle est sorti il y a plus de 6 mois maintenant. Es-tu content des retombées ? Et quel bilan fais-tu de l’album ?

Furax Barbarossa: « Oui dans l’ensemble je suis plutôt content. On approche de l’objectif que le label s’est fixé en terme de ventes, malgré l’absence totale de promotion sur ce projet (ce que devait gérer la distribution). Je suis le premier à l’avoir déploré sachant tout ce que nous avions mis dans cet album. Mais je suis content des retours que mon public en a fait. J’étais persuadé de faire de jolis morceaux quand je les faisais, et mon public m’a fait un retour dans ce sens donc cela me prouve encore une fois qu’on est sur la même longueur d’onde. 

Cover de Caravelle, son 6e album studio
IntergeneRaption : Il semble être ton album le plus abordable. Pourquoi l’avoir sorti en été, période plutôt inhabituelle pour les sorties d’albums?

Furax: Abordable ? Je n’ai pas l’impression, mais après c’est l’avis de chacun. Et puis, je ne vois pas réellement ce que ça veut dire. Je ne commence pas un album en me disant:  »Allez je vais aller chercher encore plus de personnes en faisant plus simple ou en abordant des thèmes un peu plus généraux. » Je ne travaille pas comme ça. En fait, je fais ce que j’ai envie de faire au moment où j’ai envie de le faire en me foutant complètement de la tendance actuelle ou de ce que veulent les gens. Il est sorti en été, il aurait pu sortir en hiver, il aurait pu sortir en automne et il aurait pu sortir au printemps… L’album est tout simplement arrivé au moment où il était fini et ou tout était prêt pour sa sortie dans les bacs. Il n’y a eu aucun calcul là-dessus.

IntergeneRaption : Dans l’un des morceaux, tu y dis : « Je pensais pas faire plus sombre, mais je l’ai fait…». Pour autant, l’album semble paradoxalement plus accessible au grand public non ?

Furax: Encore une fois, les goûts et les couleurs de chacun…Personnellement je ne trouve pas qu’il soit plus accessible au grand public que les autres. Je l’ai fait avec la même dynamique et le même état d’esprit que les autres. J’ai juste abordé des thèmes que je n’aurais pas pu aborder 5 ans ou 10 ans avant. Il y a des sujets qui méritent la cicatrisation avant d’être posé sur papier… C’est juste l’évolution et pour moi c’est tout à fait normal. Donc je suis désolé, mais je ne vois aucun paradoxe. Pour moi il est aussi sombre que les autres, voire plus ! Encore une fois, ce n’est que mon avis personnel.

Entre deux dates de la tournée…
I: En 2017, sur l’album de Bastard Prod tu lâchais le morceau « Le meilleur des hommes ». Ca amorçait un changement familial ?

F: Amorçait ? Non. Puisque j’avais déjà une fille depuis 3 ans, j’ai écris ce morceau pour elle et ma compagne. Ma vie avait changé oui puisque j’étais devenu père donc je voulais aborder le sujet dans un titre.

I: En parlant de famille, sur l’album, tu te livres davantage sur tes parents dans des morceaux comme « Porcelaine » ou « Gelati ». Comment as-tu écrit ces morceaux ?

F: Dans la douleur ! Un morceau comme « Gélati » est très personnel. « Porcelaine » aussi mais c’est un thème que j’estime général, parce que nous sommes des millions à avoir eu un père violent, donc j’ai voulu incorporer à ce morceau des anecdotes sur d’autres familles que la mienne. 98 % de ce que je dis dans ce morceau est lié à mon histoire, les 2 % qui restent viennent des histoires des autres. Je me devais de les lier à ce morceau pour ne pas parler que de la mienne dans ce titre. Comme je te dis, c’est quelque chose qui touche des millions d’enfants donc je ne pouvais pas parler que de moi. 

I: Est-ce qu’on ressort indemne après s’être mis à nu comme cela ? Est-ce qu’il t’a fallu du temps pour digérer l’écriture de tels sons ?

F: Je ne ressens aucune douleur ni poids supplémentaire ou même apaisement  après avoir écrit ce genre de morceau. Sur le coup, lorsque je les écris, je revis toutes ces situations alors forcément c’est un peu pénible des fois. Je peux très vite sombrer dans la tristesse, la nostalgie ou la colère. Après la digestion se fait plutôt lorsqu’il faut faire ces morceaux en live… Il m’a fallu beaucoup de temps pour répéter « Gélati » sans craquer. J’ai dû apprendre à le rapper sans le vivre. Ou du moins sans me l’imager. Ce fut très compliqué, « Porcelaine » n’est pas encore digéré totalement donc je ne le fais pas en live encore.

« La plupart des personnes de ce jeu ne se base qu’aux chiffres de tes ventes et au nombre d’abonnés ou de vues pour faire des featurings avec toi »

I: Tant qu’on est sur la famille, sur l’album tu n’as invité que des proches (Scylla, l’Hexaler). Est-ce que cela rentre dans la direction artistique donné à l’album ?

F: Il y avait beaucoup de personnes prévues en featuring sur cet album, mais très peu ont répondu à l’appel. Soit ils ont refusé, soit ils n’ont jamais donné suite à l’accord que l’on s’était donné. Au Bout du compte, comme tu dis, il ne reste que la famille et c’est pas plus mal. C’est dans des moments comme ça qu’on se rend compte que cela ne sert à rien de faire de la musique avec d’autres personnes que ceux que l’on estime comme des frères.

Après, il y a des personnes que je ne connais pas depuis longtemps dans ce milieu là et qui sont très authentiques et avec qui je vais collaborer par la suite. Mais la plupart des personnes de ce jeu ne se base qu’aux chiffres de tes ventes et au nombre d’abonnés ou de vues pour faire des featurings avec toi. La musique c’est comme ça.

Furax & Scylla
I: Tu es signé sur Jardin Noir, le label de Guilty. Comment a-t-il opéré pour le travail de l’album ?

F: On a trouvé la direction ensemble et après il a fait la réalisation de ce projet. C’est-à-dire agencer les morceaux comme il les voyait et il m’a fait des propositions que j’ai validé pour la plupart parce qu’elles étaient pertinentes. C’est quelqu’un qui connaît très bien la musique et qui sait s’adapter à la personne qu’il a en face de lui.

I: Au niveau visuel, tu as pondu une série de 4 clips léchés avec un fil conducteur. Les idées viennent-elles de toi ?

F: En réalité, il y en a 6 ! Je me suis toujours impliqué dans la création des clips et autres visuels, j’ai co-réalisé tous ces clips avec Chill, après la partie technique c’est lui. 

I: D’ailleurs, que signifie cette porte que l’on retrouve à chaque fois dans tes visuels ?

F: C’est une porte qui me permet  de voyager dans l’espace-temps… De passer d’une dimension à une autre d’une époque à une autre et donc forcément d’un clip à un autre. On avait eu cette idée avec Guilty et Chill un soir. 

« Pour moi les bons sont ceux qui savent écrire et se poser sur une rythmique de manière originale. »

I: Le nombre de rimes multisyllabiques et d’assonances dans tes morceaux sont incalculables. Une façon d’écrire très technique qui se fait rare. Penses-tu être le dernier des Mohicans dans ce soin apporté à l’écriture ? 

F: C’est sûr qu’aujourd’hui l’accent est mis sur l’image de l’artiste plutôt que sur sa technicité et sa façon d’écrire. Le dernier des Mohicans, je ne crois pas parce qu’on est encore un paquet à ne voir le rap que de cette manière. Mais c’est sûr que tout ce qui est grand public n’est pas à la hauteur clairement de tout ce que pourraient faire tous ces gens qui aiment la plume. Les mecs aujourd’hui ne savent pas écrire. Ils prennent l’expression du moment, et en font un refrain. Pour ce qui est des couplets, au petit bonheur la chance… Mais j’estime que chacun fait ce qu’il veut. Si ça marche pour eux de cette manière là et si le public raffole de leur morceau et bien tant mieux je ne souhaite la chute à personne. Si ça marche pour toi c’est parce que tu es allé le chercher. On en revient au goût et aux couleurs. Pour moi les bons sont ceux qui savent écrire et se poser sur une rythmique de manière originale. 

I: Dans tes sons, on retrouve aussi beaucoup de refs sportives (football, MMA). Tu pratiques ces sports ?

F: Ouais, je joue au basket au foot quand les potos se chauffent un peu. Et je fais de la boxe anglaise et thaï depuis un petit moment maintenant. Ça me vide et me canalise. 

I: Tu avais décalé ta tournée fin décembre, à cause de pépins de santé. Maintenant que tu es en plein dedans, est-ce que c’était une nécessité de faire vivre cet album sur scène et à quel point la scène t’avait manqué ? 

F: Je ne vois pas ça comme nécessité, pour moi c’est la suite logique des choses on fait un album et puis on va le jouer en concert. Avec mon équipe on tourne quasiment non-stop depuis 10, 15 ans…On est en concert toute l’année donc les concerts ne m’ont pas manqué puisque je les pratique tout le temps. Alors oui, j’ai fait un break là de 2 mois parce que je n’étais pas au top physiquement mais je n’ai pas été absent assez longtemps pour en ressentir le manque. Pour ce qui est des dates on pourrait les trouver sur ma page Instagram.

https://www.instagram.com/furax.barbarossa.officiel/?hl=fr

Quand Furax est sur scène, le volcan se ranime…
I: Tu penses quoi de la scène toulousaine dans le rap français ? Pourquoi elle n’est pas plus mise en avant malgré de multiples talents ?

F: C’est vrai il y a toujours eu de gros talents à Toulouse. Mais quand on y pense, on pourrait dire ça de toutes les villes de France. Il y a des tueurs dans tous les coins de l’Hexagone, mais on ne focalise que sur Paris ou sur Marseille hélas. Ou alors, il faut monter à la capitale pour montrer le bout de son nez pour dire que l’on existe. D’autres l’ont fait, moi ça n’a jamais été dans mes plans. Oui, c’est compliqué d’éclore aux yeux de tous quand on est pas de ces deux grandes villes. Mais bon, aujourd’hui, avec la puissance des réseaux, je pense que n’importe qui peut éclater aux yeux de tous. Il suffit juste d’être pertinent, ou, de se caler sur ce que les gens attendent.

I: Pour nos lecteurs curieux, tu as de jeunes artistes talentueux de Toulouse ou d’ailleurs à suivre ?

F: Et bien je vais devoir décevoir ces lecteurs curieux (rire). Je suis toujours en train de créer, de composer, d’écrire, donc je n’aime pas trop écouter ce qui se passe à côté, pour ne pas être influencé inconsciemment. Je préfère rester dans ma bulle créative. C’est là où je suis le plus efficace. 

Mais des mecs comme Souffrance, Ritzo, Pilon, le bon nob, Cholo et bien d’autre mériteraient bien plus de lumière. Mais c’est ainsi, il faut se taper pour exister dans ce milieu. Grosse force à tous ces rappeurs qui privilégient la plume.

I: Une dernière question par pure curiosité : Qui est ton rappeur all time en rap Français ? Et ton morceau du moment ?

F: Alors le morceau du moment, ça va être compliqué vu que je n’écoute pas grand-chose en terme de rap mais si je dois t’en donner un je dirais l’album Tour de magie de Souffrance.

Et pas évident de te donner mon meilleur rappeur français, je parlerai plutôt d’album. Pour moi, il y a deux personnes ou groupe sur la première marche : je dirais Shurik’n avec l’album Où je vis. Et Lunatic avec l’album Mauvais œil.

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