Catégories
Dossiers

Les 25 ans de « Où je vis » de Shurik’n

Ce 26 mai 2023, Marseille célèbre deux anniversaires importants de son héritage culturel et sportif. D’abord, pour l’OM, le club de la ville, qui célèbre les trente ans de la victoire en Ligue des Champions, la seule remportée par un club français. Et l’anniversaire qui nous concerne, c’est celui des 25 ans de Où je vis, l’album de Shurik’n. Car si Marseille est indéniablement une place forte du rap français, le premier solo de Shu lui a permis d’obtenir ce statut.

L’année 1998 est unanimement considérée comme une des plus grandes années du rap français. Si ce n’est la plus grande. Les auditeurs les plus anciens piochent souvent au sein des albums sortis cette année pour choisir le plus grand album de rap de l’histoire. Parmi cette liste, figure Où je vis de Shurik’n. Après l’énorme succès de L’école du micro d’argent et la sortie de l’excellent Méteque et Mat de son compère AKH (1995), le premier opus solo de Shu’ sorti le 26 Mai était plus qu’attendu. Il n’est rien de dire que le rendu final est à la hauteur des attentes. La preuve : un quart de siècle plus tard, cet opus est toujours une référence.

Oncle Shu’ est peut être moins cité que son compère au sein de IAM lorsque l’on évoque les grands rappeurs français. Néanmoins, il demeure un immense MC dont l’authenticité n’est plus à prouver. Et c’est sûrement le côté authentique de Shurik’n qui fait de Où je vis, un album qui a marqué le public. Et puisqu’il voulait que ce premier solo soit l’exact reflet de sa personne, il est toujours bon de rappeler que Shurik’n a pris soin de produire lui-même tous les tracks de celui ci.

Introspection altruiste

A l’instar du premier solo de « Sentenza », Où je vis est un album très personnel et introspectif. Pour autant, il est en même temps très tourné vers les autres. Cet altruisme se retrouve dans les thèmes récurrents abordés dans l’album que sont l’esprit de clan et la famille. Des classiques comme « Les miens » , « Mon clan » ou  le très touchant « Lettre » attestent de l’importance de son entourage pour le rappeur phocéen. Même en solo, il ressent le besoin de parler de ses proches et de leur rendre hommage. 

La liste des featuring confirme aussi cet esprit de tribu. On y retrouve évidemment ses associés au sein de IAM, Akhenaton et Freeman. Mais aussi son frère Faf la Rage ou d’autres proches de la scène marseillaise comme Sat, le 3eme Œil et Sista Micky. On reste en famille. La devise de Shurik’n pourrait être le proverbe africain disant « Seul on va plus vite ! Ensemble on va plus loin ! ». 

L’observateur avisé

Mais cet aspect « tourné vers les autres », va au-delà du spectre de son entourage. Comme le suggère la cover, Shurik’n, qui en 98 a dépassé la trentaine, se pose au dessus de Marseille, tel un observateur de la société et de l’évolution de sa ville. Rappelons le contexte politique de la fin des années 90, l’extrême droite obtient des scores plus que favorable dans le sud de la France. Ce climat pousse le rappeur a utilisé sa plume acérée, mais toujours sage, pour décrire l’environnement pesant du moment et tirer la sonnette d’alarme. « Manifeste », le morceau éponyme ou «  L.E.F », sont de parfaits exemples. Les sujets graves abordés, malheureusement toujours d’actualité, confèrent eux aussi ce statut de classique à Où je vis

Le ton de l’album est donc globalement plutôt sombre et triste. Mais aussi très réaliste. Chacun est capable de se reconnaître dans les textes de Shurik’n grâce à sa simplicité. Ne cherchant pas à être une autre personne, il permet aux auditeurs d’écouter le retour d’expérience d’un tonton, distillant des conseils sur la vie. Un vrai conteur qui livre son expertise, après avoir pris soin d’observer le monde. Un knowledge désabusée mais surtout avisée.

Classique intemporel

La notion de classique reste difficile à définir et chacun possède évidemment la sienne. Mais s’il fallait établir des critères, on pourrait évidemment parler de qualité. Celle de Où je vis ne peut faire débat. Les morceaux cultes qui composent l’album sont nombreux. On peut également prendre en compte l’aspect commercial du projet. Là encore, la case est cochée puisque l’album est certifié double disque d’or et s’est vendu à plus de 200 000 exemplaires. 

Enfin, sa capacité à traverser les époques et à rester d’actualité doit, pour nous, être un autre critère à prendre en compte. Comme dit plus haut, Où je vis est un opus qui a très bien vieilli musicalement et dont les thèmes restent (malheureusement) contemporains. 

Et si l’on considère tous ces éléments, et que l’on note qu’un classique est un album qui a accompagné dans leurs vies les auditeurs ayant connu sa sortie, qu’il est toujours écouté et est adoubé par toute une génération, alors il est incontestable que Où je vis de Shurik’n est un immense classique. Et ce même après 25 printemps. A écouter encore et encore et ce peu importe l’endroit « où vous vivez » !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *