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Les 25 ans de L’école du micro d’argent d’IAM

Il y a environ 40 ans, la culture Hip Hop et le rap arrivaient dans notre pays. En quatre décennies, on a évidemment vu de nombreux albums sortir dont certains beaucoup plus marquants que d’autres et qui donc se détachent de la masse. Les fameux “classiques”. On peut citer entre autres Quelques gouttes suffisent, Mauvais oeil, Détournement de son, Jusqu’à l’amour, Le combat continue, Opéra Puccino et bien d’autres. “La liste est longue et vous le savez” comme dirait Kéry James. Parmi tous ces classiques, il y en a un qui est souvent cité comme le plus grand, sorti 18 Mars 1997, c’est L’école du micro d’argent du groupe IAM. Mais, 25 ans après sa sortie, est-ce que le disque a traversé l’épreuve du temps et peut toujours être considéré comme le classique absolu du rap français ?

Il existe une formule, pas tout à fait vraie, pour convertir l’âge des chiens en âge humain. Celle ci consiste à multiplier l’âge du meilleur ami de l’homme par 7. Et si on s’amusait à créer une règle similaire pour convertir celle d’un album de rap en année humaine ? La bonne formule pourrait par exemple être de multiplier l’âge d’un album par 3. Sorti en 1997, L’école du micro d’argent d’IAM fêterait donc ses 75 ans. L’âge auquel on peut enfin jeter un coup d’œil dans le rétroviseur et constater le chemin parcouru. Mais aussi celui où on peut évaluer l’impact et l’étendue de l’héritage laissé derrière soi. 

Cover de l’école du micro d’argent

Et de ce point de vue, il est indéniable que le 3ème projet sorti par IAM a laissé une empreinte immense sur le rap français. Grâce à ses opus, le groupe Marseillais peut revendiquer une multitude d’enfants voir même de petits enfants au sein du rap hexagonal. Via cet album, le groupe phocéen a fait découvrir et aimer le rap à beaucoup de monde. Ils ont même fait naître un nombre énorme de vocations.

En 25 ans, tout a certes déjà été dit sur L’école du micro d’argent. La qualité des morceaux qui constituent cet album a été louée à de multiples reprises. C’est d’ailleurs valable pour d’autres grands albums du rap francophone sorti il y a 20 ans et plus. Mais alors, qu’est ce qui fait de l’album d’IAM le classique absolu du rap français ? 

La fusion parfaite

Au milieu des années 90, à de rares exceptions, le rap est une musique engagée. Elle ne fait pas preuve de beaucoup de subtilité. Le discours prime encore sur la musicalité. Porté par le succès d’estime de Ombre est lumière (premier double album de l’histoire du rap), IAM va encore passer un cap avec ce nouvel album. L’école du micro d’argent est en effet la fusion parfaite entre le fond et la forme. Les beats concoctés par Imhotep et Kheops apportent un côté cinématographique à l’album. Ils sont l’écrin parfait pour les flows de AKH et Shu dont la technique et la complémentarité sont au top niveau.

Si l’on ajoute à cela un discours souvent conscient, on obtient un alliage de très haute qualité. C’est avec recul et finesse qu’ils abordent des sujets graves et sérieux comme le racisme, la politique ou l’éducation. Delabel, le label du groupe à l’époque, craignait que ce projet soit un “album d’extrémistes” à cause de son coté engagé. Au final, il se révélera être l’album d’une génération qui prend conscience de l’évolution de la société et des combats qu’elle devra y mener. Un véritable manifeste.

Des morceaux fédérateurs 

LEDMA comporte énormément de titres qui sont parmi les plus grands de l’histoire du rap français. Et pas que pour les fans du genre. Il y a bien sûr des morceaux comme “Demain, c’est loin”, “L’enfer” en feat avec East et Fabe, ou “Un bon son brut pour les truands”. Mais la performance réalisée par les Marseillais va au delà de ces titres. Tout en conservant leur ligne de conduite et sans faire de titres aussi abordables que pouvait l’être “Je danse le mia”, le groupe a su faire des titres qui ont plu à un public bien plus large que celui du rap pur. 

En effet, des morceaux avec un vrai fond, 100% rap tel que “Petit frère”, “Nés sous la même étoile” et même “L’empire du côté obscur” sont à l’époque connus et même très appréciés par des personnes qui n’ont aucune affection particulière pour le Hip Hop. Et c’est certainement là, la plus grande prouesse de IAM avec cet album. Ils ont réussi à faire un album qui ravi les vrais amateurs de rap et en même temps un public novice. Là où certains travestissaient leur musique pour vendre plus de disques, les Phocéens sont donc restés campés sur leurs positions. Toujours fidèles à eux mêmes. Et ils ont eu raison.

Des chiffres de ventes records

On ne sait pas si vendre beaucoup était une priorité pour IAM, mais ils l’espéraient sûrement. Les résultats ont certainement dépassés leurs espérances. En effet, le jour même de sa sortie,  L’école du micro d’argent s’écoulera à plus de 100 000 exemplaires ! Un score exceptionnel à l’époque puisqu’à ce jour, il s’agit du disque d’or le plus rapide dans notre pays. Et encore à ce jour, il demeure le disque de rap le plus vendu en France, avec plus d’1 millions d’exemplaires vendus.

A notre époque du streaming, les chiffres de ventes sont devenus ( a tort) la valeur étalon pour mesurer la qualité d’un album. Mais là, même la jeune génération ne peut que s’incliner devant l’album aux samouraïs à cheval. Surtout que les modes de consommation de la musique était très différent. La seule possibilité était de se déplacer pour acheter (ou voler) l’album. La performance est donc encore plus folle ! Elle reste méritée, quant on voit la longévité de l’œuvre.

Une longévité et une reconnaissance durable

Encore aujourd’hui, si vous établissez un classement des meilleurs sons de l’histoire du rap auprès de connaisseurs (sans Koba LaD donc), vous serez presque obligé de caser au moins un titre de LEDMA dans le top 10. Vous pouvez aussi demander à n’importe quelle personne ayant eu entre 15 et 25 ans en 1997, quel est son morceau de rap préféré ? Il y a fort à parier que 80% des personnes vous donnent un titre issu du 3eme projet d’IAM. Il est même possible qu’elle le connaisse encore par cœur. 

IAM a donc eu la reconnaissance du public. Mais elle a aussi et surtout eu celle du milieu. « Demain, c’est loin » est par exemple le numéro 1 du classement des 100 classiques du rap français de l’abcdr du son. Le destin fait d’ailleurs bien les choses. Ce titre devait initialement apparaître sur Où je vis, le premier solo de Surik’n. Etant fan du son, AKH a demandé à son collègue de poser dessus. Et c’est comme cela que ce titre culte conclut album de manière tout aussi culte.

Et les artistes savent également témoigner du respect au groupe marseillais. Tous, même les plus jeunes, ont un respect immense pour IAM. Un exemple criant se trouve sur le très jeune (musicalement) 13 organisé initié par Jul. Au milieu d’autres rappeurs, on retrouve évidemment Akhenaton et Shurik’n sur un titre nommé « Je suis Marseille ». Sur ce titre, les 2 rappeurs et leurs jeunes homologues posent sur la prod de « Marseille la nuit », titre qui figure sur la réédition de L’école du micro d’argent.  

On aurait certes pu disséquer l’album plus en profondeur pour apporter de l’eau à notre moulin. Mais la musique n’est en aucun cas une science exacte. Chacun pour des raisons diverses aura de toute évidence son propre classique ultime du rap français. Mais on peut sans contestation dire que la qualité musicale et de l’écriture, l’authenticité des propos qu’on y trouve et le côté engagé d’une oeuvre sont des critères à prendre en compte. Il en va de même pour sa popularité qui peut s’étendre au delà des fans de rap et ses résultats commerciaux. Sa capacité à résister au temps qui passe est également importante. Et L’école du micro d’argent coche bien sûr toutes ces cases. 

En partant de ce constat, on peut donc dire que ce papi du haut de ses 75ans (en années rap), a toute sa place dans le débat sur le classique absolu du rap français. Et il n’est certainement pas loin de la première place.

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