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L’uZine: L’interview de A à Z

Pour la sortie de leur quatrième album, la 26e lettre, IntergénéRaptions a discuté avec le groupe montreuillois, l’uZine. Entretien sous forme d’abécédaire pour aborder tous les points de l’univers de l’un des collectifs les plus productifs du rap français.

En l’espace de plus de 15 ans d’activité, quatre albums, deux mixtapes et de multiples projets solo, l’uZine s’est forgé une solide réputation dans la scène underground. Avec leur rap dur et sans concession, ils ont su convaincre les aficionados d’un style, classé à l’ancienne. Pour autant, l’uZine ne peut se cantonner à un rap old school, tant leur musique à travers chacun des membres a toujours exploré les frontières, tout en respectant les fondamentaux.

A l’occasion du nouvel LP, la 26e lettre, sorti le 19 Mai, IntergénéRaptions est parti à la rencontre de Tony Toxik, CenZa, Souffrance, Tonio le Vakeso et G High Djo, pour une discussion sous forme d’abécédaire. Une manière de traiter tous les sujets qui composent le collectif .

IntergeneRaptions: On débute par l’Album, la 26e lettre. Vous revenez après 3 années d’absence, mais avec une grosse activité pour chacun d’entre vous. Quelle a été la démarche pour se remettre à enregistrer un nouvel album en groupe ?

Tony Toxik : On avait déjà commencé après Jusqu’à la vie, on avait déjà entamé des morceaux. Tout au long de ces 3 ans, on a continué à faire des sons, mais on s’est mis un bon coup de boost il y a moins d’un an.

CenZa : Il y a eu des périodes d’attentes plus longues, le temps de récupérer des instrus, de trouver des nouvelles idées, etc.

IntergeneRaptions : Le confinement a dû vous ralentir aussi…

Tony Toxik : Non, pas vraiment car on avait tout préparé pour la sortie de Jusqu’à la vie, avant l’arrivée du confinement [l’album est sorti le 10 avril]. Comme les gens étaient chez eux, on a eu des bons retours sur notre documentaire, sorti en plusieurs épisodes à ce moment là. Le confinement ça nous a fait galérer de fou pour le clip « Phoenix » et surtout pour les concerts.

IntergeneRaptions : B pour Boom Bap. C’est un genre qui fait parti de votre identité musicale. Depuis quelques temps, ce style connaît une remise au goût du jour dans le paysage américain et français. Comment vous voyez ce retour en force ?

Tony Toxic : Je vois ça comme une mode, ça revient comme les vêtements des années 90.

CenZa :  C’était déjà revenu début 2010 avec les Nekfeu, Rap Contenders, L’Entourage et tout…

TT : Pour certains jeunes, le boom bap, c’est un nouveau style. C’est vraiment comme la mode des vêtements.

G High Djo : Après c’est pas exactement le même boom-bap. Dans le paysage actuel, tu as celui à l’ancienne et l’autre avec des BPM plus lents style Griselda.

Souffrance : Même le boom bap classique BPM 90, n’a rien à voir avec celui qui était fait avant… Le truc a évolué. Celui sur lequel on rappe, on le voit ça comme une nouvelle musique qui a été modernisée, c’est cool.

TT : C’est vrai que sur nos précédents projets, on voulait une identité très à l’ancienne, on reprenait vraiment tous les codes. Sur ce dernier album, même en terme de mix, on a modernisé la formule, il y a des compromis.

I : Pour le C, je me tourne vers toi, CenZa. La dernière fois qu’on s’est vu, tu venais de sortir deux albums dont un très axé west coast. Entre temps, tu as sorti un dernier projet, Z.O, en février dernier, multiplié les feats notamment chez les Westeux. Qu’est-ce que tu en tires de ces expériences ?

: J’en tire que du bénéfice. C’est vrai que l’album Tout droit sorti de Montreuil, m’a ouvert des portes dans ce milieu G-Funk à la Française, que je ne connaissais pas. Ça m’a permis de montrer de quoi je suis capable, me faire un petit blaze on va dire. Surtout qu’à Montreuil, je suis presque le seul à faire ce style. Le premier qui est venu vers moi, c’est le Foulala, qui m’a invité sur sa mixtape. A la suite de ça, j’ai rencontré Aelpéacha et d’autres personnes du milieu ont suivi. J’ai pu bosser avec lui sur sa mixtape Les Riders au Ski notamment.

I : D comme Deep. J’ai trouvé la couleur de l’album encore plus deep que les précédents. Pour ceux qui veulent un truc coloré…

TT : Avec l’uZine, c’est compliqué c’est clair (rire).

C : A la base, pour commencer l’album, on est parti dans une baraque à une heure et demi de Paname, pour écrire, écouter des instrus, faire des maquettes.

TT : On fonctionne souvent comme ça. On enchaîne les maquettes, ça forme un squelette. Et lorsqu’on estime qu’on a les trois quarts, on fait le point pour voir ce qui manque. A ce moment, on créé sur mesure. Après si tu dis qu’il est plus sombre, j’ai même pas calculé, on a fait comme d’habitude…

G High Djo : Ce qui te fait dire ça, c’est peut-être qu’on retrouve pas des morceaux comme « Fous la merde », « C’est comment » présent sur le précédent. On retrouve pas ce genre de morceaux plus énergiques qui font un contre-coup. Sur La 26elettre, les BPM sont plus lents, ça donne un rendu plus homogène.

C : Je vais même te dire que c’était pas le but. Après Jusqu’à la vie, on s’est dit qu’on voulait faire un album moins sombre, plus patate, style Naughty by Nature. Et on a fait tout le contraire (rire).

I : Après le côté deep, pour la lettre E, l’aspect énervé est très important dans votre musique. Dans cet album, la manière dont vous accentuez les flows, la puissance des prods, je pense à « Echec et mat »…

TT : C’est vrai que celui-là est bien sombre. On l’a fait avec James Digger. Il est passé à Paname, on l’a ramené en studio,il nous a fait écouté la prod, on a gratté et posé direct.

S : De toute façon, avec nous, c’est comme ça, les prods arrivent, on les kick ! On sait ce qu’on veut pas faire, mais on sait pas où on va arriver. Depuis toujours, on a la même base entre nous, c’est très spontané. Comme on est dans le même délire, on sait qu’on ne va pas faire de trucs bizarres (rire).

TT: Même au niveau des structures, on est très libre, chacun fait ce qu’il veut. Poser un 20 ou 8 mesures, c’est comme tu veux. Un morceau comme « Cube », où tu retrouves un passe-passe, c’est sur le moment que ça s’est décidé en assemblant les bouts. Dans 80 % des cas, les morceaux sont construits après qu’on les enregistre, on ne se limite pas à un format précis. Bien sûr, on peut retirer un couplet si c’est claqué, mais c’est surtout au feeling.

I : Famille pour le F. Vous mettez beaucoup en avant cet esprit de bosser en famille avec les mêmes personnes. Que ce soit au niveau des instrumentales, que sur l’aspect esthétique avec les clips et photos. C’est toujours le cas ?

TT : Toujours. Depuis les débuts, on a un noyau. Après, si jamais un beatmaker qu’on connaît pas, nous envoie un truc de fou, on va le kicker.

S : On bosse avec les gens qu’on connaît mais on n’est pas fermé. Sur le dernier album, il y a pas mal de beatmakers avec qui on avait jamais bossé.

TT : Niveau esthétique, on retrouve HTag qui s’occupe beaucoup de nos photos. DPA s’occupe de nos graphismes depuis 2005. 

I : Pour le G, je me tourne vers toi, G High Djo. C’est l’occasion de parler de ton rôle et Soul Intellect, en tant que DJ du groupe. Comment vous avez intégré le groupe ?

G : Je connaissais Soul intellect d’avant, via les événements hip hop où on se côtoyait. J’ai intégré le groupe par deux aspects. Déjà, je suis très pote avec Dooky, l’ancien DJ de Prince Waly, mec de Montreuil donc proche de l’uZine. D’autre part, CenZa a fait des morceaux avec deux bons potes à moi, Noss [rappeur du collectif Assos 2 Dingos] et le producteur I.N.C.H. On s’est rencontré lors du clip. A ce moment-là, l’uZine relance la dynamique de groupe pour Jusqu’à la Vie. Ils m’ont alors proposé de participer à la construction de l’album et d’intégrer le groupe en tant que DJ, avec Soul.

Le fait d’avoir deux DJs dans le collectif, c’est très hip hop. Suprême NTM avait deux DJs par exemple. Puis, on est complémentaires. Soul Intellect apporte une touche très technique. Pour moi, c’est l’un des meilleurs scratchers de France. Et moi, j’ai l’habitude de faire des DJ sets, j’ai l’expérience de la scène. En plus, on est dans la même vibe à écouter beaucoup de rap américain, même au niveau des influences, on est cohérent.

S : Comme on est nombreux dans l’uZine, si CenZa a une scène, en même temps que moi, chaque DJ peut accompagner l’un et l’autre. Il y a un côté pratique. Avec quatre Mcs, deux DJs, quand on arrive sur scène, c’est plus impressionnant. Tant que ça fonctionne bien entre nous et que les gens kiffent, c’est le principal.

TT : Avec cette composition, on a réussi à trouver notre vraie image. Ça a mis un peu de temps, mais maintenant on s’est stabilisé, notre image nous appartient.

I : Pour le H, c’est l’occasion de parler de votre nouvelle structure, Hall 26 Records et de l’indépendance dans la musique.

TT : Hall 26, c’est un label qu’on a monté au moment de l’album Tour de Magie de Souffrance. Comme il est signé en distribution avec Demain [nouveau nom du label PIAS], c’était naturel pour eux que de nous accompagner sur cet album. Il nous ont proposé d’être en co-distribution. Avant, on était sur nos propre réseaux, comme Bandcamp par exemple. Avec Demain, cela nous permet d’être présent dans les Fnac, les Cultura, c’est cool.

S : Dans l’indépendance, le plus important c’est l’artistique. Tant que cela nous permet d’avoir le dernier mot dans tous nos choix artistiques, on a pas de problème à s’ouvrir et avoir des partenaires.

I : Pour le I, c’est pour parler d’inspiration. Dans votre précédent LP, il y avait le morceau « Feuille blanche » où vous parlez de l’écriture. Comment se passe l’inspiration pour créer les morceaux ?

TT : C’est souvent ensemble en studio, au moment où on choisit les prods. Après si quelqu’un veut finir son texte chez soi pour peaufiner un morceau, c’est possible aussi.

Tonio Le Vakeso : Ce qui arrive aussi c’est que quelqu’un écrit un texte, un refrain, il l’enregistre au stud et nous l’envoie en MP3 pour voir si on valide ou pas.

S : Ouais, par exemple, le morceau « Solide » devait être sur l’album. Après avoir envoyé le couplet et le refrain, ils ont dit non. Donc il s’est retrouvé sur mon album (rire).

Tonio : Personnellement, ça peut m’arriver de pas aimer une instru mais en entendant ce que fait un membre, ça va m’inspirer.

I : Pour le J, j’ai pensé au mot Job, pour parler du rap en tant que métier Qu’est-ce que le rap implique pour en vivre ?

S : Le rap demande beaucoup de sacrifices. En fait, c’est simple, faut faire passer ta passion avant tout, pour la transformer en métier. Donc, t’es obligé de repousser tes limites, car lorsque tu prends conscience de la concurrence, y’a des mecs qui sont chauds ! Après avec l’uzine, on ne se prend pas la tête avec ça. On fait juste des sons, on a gardé la même passion.

TT : C’est clair, on se met pas de pression, pas de dealine pour nos albums. Regarde entre Jusqu’à la Vie et A la chaîne, il y avait 6 ans d’écart. On tournait en concerts plusieurs fois par an, en jouant les mêmes tracks.

S : L’uZine peut importe qu’on gagne de l’argent ou pas, on sortira toujours des albums.

TT : De toute façon, faire de l’oseille c’était pas le but. Après, c’est clair que pour en vivre, il faut faire en sorte de travailler 10 fois plus qu’un salarié. C’est comme ouvrir sa boîte.

Tonio: Faut faire son job à plein temps ! En tout cas, si la question, c’est : est-ce qu’on roule en Lamborghini ? Pas encore (rire).

I : K pour Keufs. Dans le rap français, la police est souvent citée lorsqu’il s’agit du trafic, c’est le jeu du chat et de la souris. Dans votre musique, vous en parlez de manière plus générale, de votre relation conflictuelle, c’est presque politique et plus engagé. Comment vous voyez ça ?

Tonio : C’est simple, il y a des bons et des mauvais, c’est l’humain. Après quand tu vois des choses…

 S : Arrête toi là frérot (rire).

T: Quand tu vois les affaires de violences policières, comme celle avec Théo, c’est des choses graves ! Surtout qu’on connaît pas le fin mot de l’histoire… Après, on essaye d’être plus mature dans la manière de voir les choses, même si la forme reste brutale. Mais, on sera jamais amis avec eux, c’est clair !

I : Le L comme Lumière. Grâce aux solos de Souffrance, vous connaissez une nouvelle exposition depuis deux ans.

TT : Ouais, c’est clair, grâce à Souffrance, on a une lumière qui s’est posée sur nous. Même si on avait déjà notre public, ça a permis d’ouvrir le champ.

Tonio : Souffrance a apporté un nouveau souffle, les gens ont accroché. Forcément, ça lui donne plus de visibilité et pour nous aussi. C’est le travail qui a payé.

I : Pour le M, c’est assez simple : Montreuil. C’est l’occasion de parler de la place particulière qu’occupe votre ville au sein du rap français et même dans le 93. La ville abrite une multitude de rappeurs (Prince Waly, Swift Guad, Triplego) mais reste un peu cloisonné. Je pense au projet de Sofiane, 93 Empire où il n’y avait pas de MCs de Montreuil. Comment vous expliquez cette situation ?

TT : C’est en train de changer, Montreuil est en train de monter. Il y a des mecs comme Werenoi qui ouvre des portes.

S : Le truc c’est qu’à Montreuil, personne ne rappait pareil. Même l’uZine, on était à part. Chaque quartier avait son style. Juste qu’il y en a beaucoup qui ont lâché le steak.

TT : De notre génération, il y a plus beaucoup de mecs de Montreuil qui rappent encore…

I : Pour le N, j’ai pensé au mot Noir. C’est une couleur qui vous accompagne beaucoup tant dans la musique que dans les clips que vous pouvez sortir, je pense à Réunion, sorti. Qu’est-ce que cette couleur représente pour vous ?

Tonio : Le noir et le blanc, ça reste un classique.

C : Habillé en noir et blanc, tous les jours, c’est la discrétion pour se fondre dans la masse.

S : Je trouve qu’on est assez ouvert pour les tenues dans les clips. Dans « Phoenix », c’est pas tout le monde qui aurait accepté de porter ce truc bleu dans le désert, à la Dragon Ball Z (rires). Pour les derniers clips, le frérot, Dooky et Hanna Cordier s’occupent du stylisme. CenZa s’intéresse aussi beaucoup à ça.

TT :  C’est aussi un nouveau domaine qu’on a bossé sur cet album. Avant pour les clips, on amenait nos propres fringues. Maintenant, on regarde ça pour la cohérence du visuel.

I : On passe à la lettre O. L’occasion de parler du seul et unique feat de l’album, Onyx. Comment s’est créée la connexion avec eux ?

TT : On connaît bien DJ Venum, qui a été leur DJ pendant leur tournée européenne durant 2-3 ans. Un jour, CenZa me ramène un flyer annonçant Onyx au New Morning, quelques semaines avant leur concert. Du coup, j’ai appelé Venum pour qu’on fasse un bail avec eux. Il m’a mis direct en contact avec leur manager. J’ai pu discuté avec lui, ça s’est bien passé, on leur a proposé des sons, ils ont kiffé l’une de mes instrus. Puis, on s’est retrouvé en studio pendant 3 heures pour faire le son et après ils ont enchaînés avec leur concert. C’était super rapide mais on a tellement kiffé !

I: C’était votre premier feat avec des Américains ?

TT : On a déjà fait trois morceaux avec Lords of Underground, dont un solo de Cenza. On s’était bien connecté avec eux. Dès qu’ils venaient à Paname, on allait en studio. J’ai deux-trois morceaux d’eux pas sortis dans mes disques durs… Après ce qui est cool, c’est que Onyx, c’est cohérent, on l’est tellement écouté qu’ils nous ont inspirés. Que ce soit dans l’énergie et cette espèce de violence qu’ils ont dans leur musique.

G : Onyx, c’était dans les écouteurs au collège, maintenant c’est en featuring sur l’album !

I : Pour le P, on passe aux producteurs. Comment se passe le travail avec les producteurs. Et qui sont ceux qui ont bossé sur l’album ?

TT : En fait, toute l’année on reçoit des prod de beatmakers. Après ça marche ou ça marche pas. Dans chacun de nos albums, il y a toujours eu des producteurs extérieurs. Le seul album où il y avait que nous, à savoir MSB, CenZa et moi, c’est la Goutte d’encre. Pour celui-ci, j’en ai composé cinq. On retrouve Gash et Masto, présents sur le précédent. Il y a James Digger donc, Effet papillon. Et pour les nouveaux, on retrouve HoldSoulMusic qui a fait l’intro et Moogaloo, beatmaker sur « Or ».

I : Pour le R, c’est l’occasion de parler du Rap français. Dans votre musique, vous avez souvent des phases égotrip contre le rap français actuel, mais c’est aussi une manière d’exposer une vision différente par rapport à l’industrie.

TT : Personnellement, j’essaye de moins en moins de parler des rappeurs. Après c’est un thème qui revient, on écrit sur ce qu’on vit, mais, ça reste propre à chacun.

C :  Moi, ça me soulage de leur insulter leur grand-mère (rire). 

I : Je me tourne vers toi Souffrance, pour le S. Je voulais revenir sur les deux années que tu as connu avec deux albums plébiscités et l’exposition qui en découle. Comment tu as vécu ces dernières années ?

S : Ben écoute, je l’ai bien vécu, c’est carré (rire). En fait, c’est simple, j’avais arrêté le taf pour faire de la musique. Puis, j’ai retrouvé du taf. Et, c’est la musique qui m’a fait arrêté le taf de nouveau. Maintenant, je peux en faire tous les jours, j’suis content, y’a pas de galère.

I : Le T, je me tourne vers toi Tony. Tu occupes un rôle central au sein du collectif. Comment t’es venu cette place de leader ?

TT : C’est très simple, le studio était chez moi donc pour se réunir, ça passait par moi.

S : Ça s’est fait bien avant puisque c’est le premier à sortir des projets, avec son groupe Cortège, en 2002. Car dans la musique, il y a une différence entre en faire et la sortir de son imaginaire et qu’elle prenne forme.

TT : J’étais déter, car on a commencé de rien. Lorsqu’on s’enregistrait, je pensais qu’il fallait rapper tout le son comme sur scène.
En ce qui concerne le leadership, ça m’énerve quand ça dort, je suis celui qui fait bouger les lignes. Tout ce qui concerne l’administration, ça passe par moi. Pour la musique, c’est un tout, on le fait ensemble. Lorsqu’il faut s’occuper des délais, gérer les concerts, c’est à charge, je m’occupe de l’infrastructure.

I : Ce que tu me dis rejoint la prochaine lettre, le U pour Unité. Comme dans le rap français, les groupes français se séparent tous, comment vous faîtes pour garder cette unité ?

Tonio : On est une famille avant l’argent, avant la musique.

TT : Le plus important, c’est qu’on a toujours été transparent entre nous. S’il y a un souci, on en discute tout de suite, il n’y a pas de non-dit. Généralement, ça part en couille à cause de l’oseille, dans l’uzine, tous le monde est au courant de tout.

S : Après, on a peut-être pas assez gagné d’argent pour se séparer (rire). Le truc, c’est qu’on s’est pas réuni pour la musique. On était ensemble avant de faire de la musique.

C :  On a tellement mangé des pierres. On a fait du son d’abord par passion, ça a mis une bonne dizaine d’années avant de se faire connaître. On est déjà un peu préparé. Après si demain, si on a un gros billet entre les pattes, on se connaît tellement bien, personne va surprendre l’autre.

TT : A part récemment, on a jamais pris d’oseille dans la musique. Dès qu’on en avait, on réinvestissait direct. On a eu cette mentalité de grandir et d’affronter les épreuves ensemble.

S : Ce qui est bien c’est que même les réussites solo, apportent au groupe. On est dans un cercle vertueux. Sur le processus créatif, la manière de fonctionner, on a rien changé, on préserve notre environnement. On est déjà prêt en tant qu’entité, à se faire broyer par la machine comme dirait Kenzie (rire).

I : Pour le V, c’est pour toi Le Vakeso. Tu as aussi été très actif ces dernières années, avec deux albums solo, J.A.M et Colère Et Peine. Comment tu as construit ces deux projets ?

Tonio : Pour le premier, J.A.M, j’ai travaillé les morceaux. Alors que pour l’autre, je voulais compiler plusieurs freestyles. Au fur et à mesure, les MCs sont venus poser et j’ai fait un album construit. On a travaillé en équipe comme d’hab’. C’est des projets que j’ai fait avec le cœur.

I: Pour le W, j’ai pensé à Wu-Tang Clan, car c’est un groupe auquel on vous a beaucoup comparé alors que vous proposez quelque chose de différent…

Tonio : C’est clair, c’est le Wu-Tang qui s’est inspiré de nous (rire).

G : Les gens, ils voient des mecs qui font du boom-bap, avec une identité nineties, alors ils font un rapprochement facile.

C : Après, c’est aussi le côté sombre, capuche sur la tête…

TT : Ça reste une influence, parmi tant d’autres. Mais, je vois plus le rapprochement avec Onyx, que le Wu par exemple.

I : Pour le X, on a trouvé un subterfuge, en parlant de l’expérience. Comment vous voyez évoluer dans le rap, notamment avec votre âge, vu qu’on dit souvent que c’est une musique de jeunes…

TT : L’âge, j’y pense même pas. Quand je vois des groupes comme Griselda… Même Kaaris, regarde à quel âge il a percé. Comme dirait mon daron, tant que tu bandes, tout va bien (rire).

G : Le rap ça va être comme le reggae. Regarde depuis les années 70, les figures comme Burning Spears ou Anthony B, les mecs sautent sur scène. Je pense qu’à 50 ans, je serais toujours révolté dans mes sets !

TT : Je pense pas me passer de musique, c’est impossible. Je continuerais toujours à en faire.

I : Pour finir sur la boucle, la lettre Z. Votre album s’intitule la 26e lettre, son titre n’est pas anodin. Est-ce que vous avez vu ça comme la fin d’un cycle, voir votre dernier album en groupe ?

Tonio : Ah ouais, non pas du tout. C’est juste qu’il est bien construit de A à Z.

TT : Le truc, c’est qu’on a toujours voulu faire un album qui s’appelle Z. Mais on trouvait ça claqué, donc la 26e lettre. Et si tu penses que c’est le dernier, pas du tout, avec CenZa, on est déjà sur le prochain. Pour celui-ci, on veut faire quelque chose dans une couleur plus spécifique. On va se poser pour réfléchir sur les compositions. Par exemple, sur telle instru, on mettrait untel. L’idée serait de faire un album plus construit.

L’uZine est en tournée dans toute la France et en Belgique :
16 juin : à la Ferme du Biéreau (Louvain-la-Neuve – Belgique).
17 juin : au Rockstore (Montpellier).
22 septembre : au Trabendo (Paris).

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