Catégories
Dossiers

Brassens, Brel, Renaud: les premiers rappeurs

Malgré sa courte histoire, le rap francophone regorge de MC charismatiques qui ont marqué son histoire. On pourrait donc s’interroger sur l’identité des pratiquants originels du rap en français. Sur divers critères, nous en avons identifié trois. Nous allons donc vous expliquer pourquoi, pour nous, Brassens , Brel et Renaud sont les premiers rappeurs français.

Le rap est un style musical relativement jeune. Ce courant est né aux États Unis durant les années 70. En France, il a émergé au milieu des années 80 et a réellement explosé au milieu des années 90. C’est à cette période que le premier âge d’or du rap français a eu lieu. Les rappeurs qui ont connu le succès durant cet épisode doré ont influencé la vague de rappeurs suivante. 

Lionel D et Dee Nasty, pionniers du rap français
L’influence des anciens

Bien sûr , il est logique que des artistes se voient influencés par la génération précédente. En effet, chaque rappeur marquant apporte des codes qui inspire ceux qui suivront. Par exemple, on peut citer les influences des écoles Time Bomb, La cliqua ou des rappeurs de Boulogne-Billancourt. Plus récemment, Booba, Kaaris ou PNL, pour ne citer qu’eux, ont fait naître des vocations et pesé sur la forme et le contenu des morceaux de nombreux artistes.

On peut donc aisément rattaché certains artistes à leurs influences. Mais, puisque comme dit plus haut, le rap est un genre récent en France, il faut également prendre en compte que les premiers rappeurs français ont découvert le rap via celui qui venait d’outre Atlantique.  On peut donc légitimement se demander qui sont les artistes chez qui les pionniers du rap hexagonal ont été piocher leur inspiration pour créer un rap « Français ».

Car la France, ce n’est pas les États Unis. Le pays des droits de l’homme a une histoire particulière et sa propre culture bien différente de celle du nouveau monde. De surcroît, la langue de Molière possède ses particularités et ne se manie donc pas de la même manière que celle de Shakespeare. Compte tenu de tous ces éléments, il était donc naturel que les rappeurs qui ont grandi avec d’autres styles musicaux que le rap s’inspirent d’autres chanteurs français. Dans ces chanteurs, il y en a quelques uns qui ont eu une influence notable sur nos MCs préférés. Parmi eux, on peut notamment citer Georges Brassens, Jacques Brel et Renaud et les considérer comme les pemiers rappeurs français. Dans la suite de cet article, on va tenter de vous expliquer pourquoi  ces 3 légendes de la musique française méritent selon nous cette appellation.

Brassens le voyou poète.

Le moustachu de Sète était un poète. C’est probablement le premier rappeur de France. Son écriture était fine, pleine d’humour et d’insolence. Mais sa technique d’écriture était également proche de celle des grands lyricists du rap. Adepte des rimes riches et multisyllabiques, il pouvait, tout en poésie, aborder de multiples sujets.

Georges Brassens

Dans ce qui le rapproche des rappeurs, il y a ,dans ses textes, une certaine haine pour les personnes issues de classes sociales élevées qui méprisent le peuple. On y ressent également un désamour pour les forces de l’ordre. Brassens n’aimait pas la police et ne s’en cachait pas. 

Il n’appréciait pas non plus les juges et autres magistrats. Son célèbre titre « Le gorille » se révèle finalement être un prétexte pour aboutir au viol d’un juge par ce primate. Tout un programme. D’ailleurs ce morceau a été censuré, ce qui fait à Brassens, un point commun de plus avec certains rappeurs. 

Autre similitude, le Sétois avait une certaine fascination pour la gente féminine. Il défendait même ardemment les prostitués en crachant par la même occasion son venin sur les nantis qui les considéraient peu. Sa haine de la police et son amour des femmes fusionnent dans le titre « le nombril des femmes d’agent » que l’on pourrait rapprocher sous certains aspects du « Brigitte femme de flic » du Ministère Amer.

Brassens, véritable influence pour les rappeurs français? Le simple fait que Demi- portion, autre homme de Sète, lui ait rendu hommage à plusieurs reprises suffit à répondre à cette question par l’affirmative.

Jacques Brel: Flow et storytelling.

Le belge était plus un poète qu’un chanteur à voix. Effectivement, on se souvient bien plus de ses textes que de ses envolées lyriques. Son chant aussi mélodieux soit-il se rapprochait plus du « parlé ». Ce qui l’apparente déjà du style qu’est le rap. De plus, il savait accélérer ce chant ce qui fait évidemment pensé au fast flow cher à certains de nos rappeurs.

Jacques Brel

Ces variations de « flow » lui permettaient de faire passer des émotions comme personne. Parfois engagés, parfois introspectif, il avait la faculté de faire vivre ses mots au point d’émouvoir l’auditeur. Pour citer un rappeur de L’uzine, il « met des images dans nos têtes, pourtant il dessine pas ». Son côté engagé, lui, ne souffre d’aucune contestation. Il défendait fermement les plus défavorisés contre les gens aisés.

Des images, de sentiments, mais aussi des histoires. Brel était un storyteller hors pair. On ne compte pas les chansons où il narre ses récits de façon incroyable. Qu’il parle d’un homme que sa femme a quitté, de sa relation de couple ou du port d’Amsterdam, la narration se révèle immersive au possible. 

Rien d’étonnant donc à voir Oxmo, digne héritier en matière de storytelling, reprendre « ces gens là ». Une preuve de plus, s’il en est besoin, de l’influence de Brel sur le rap fr.

Renaud : le banlieusard 

Des trois artistes sur lesquels on s’attarde ici, Renaud Séchan est probablement celui qui se rapproche le plus d’un rappeur. Par son vécu de banlieusard déjà. Il racontait son quotidien dans les HLM et dépeignait la vie des habitants de ces quartiers. Les bagarres, les voyous, la galère, tout ça se retrouvait dans les textes du chanteur.

Renaud

Ce qui a peut être le plus marqué les rappeurs qu’il a pu influencé, c’est son côté marginal. En effet, il n’hésitait pas chanter son dédain pour les institutions. Son « Hexagone », titre anti France comme il en existe peu, lui a valu la censure à lui aussi. Renaud était profondément engagé et le fait de ne pouvoir changer ce système pourri lui aura peut être coûté sa santé.

Sa façon de poser sur des riffs de guitare en chantonnant et l’argot qu’il manie avec une finesse sans pareil, confirment son statut de premier rappeur. Ce langage fleuri et propre au milieu dans lequel il évoluait ressemble dans le fond à celui que les rappeurs utilisent aujourd’hui. Dans le même temps, les nombreux hommages directs ou indirects rendus par des artistes ne font qu’assoir ce statut. 

En effet, Oxmo a repris « je suis une bande de jeunes » et Doc Gyneco ou Booba ont samplé ces morceaux. Ce dernier décrit même Renaud comme « le meilleur lyriciste toutes époques confondues ». Dans la même veine, Lino, sur l’album « Requiem » possède un titre nommé « Le flingue à Renaud » , référence évidente au morceau contestataire « Où c’est qu’j’ai mis mon flingue? » du Mister Renard. Y’a t’il vraiment quelque chose de plus à ajouter?

Alors, certes ces chanteurs ne parleront peut être pas aux plus jeunes d’entre vous. la logique voudrait qu’après avoir commencé à écouter rap, vous appréciez de découvrir les rappeurs des générations précédentes. Et si on persiste dans cette logique de curiosité musicale, vous devriez prêter l’oreille aux œuvres Brassens, Brel et Renaud, les premiers rappeurs.

Une réponse sur « Brassens, Brel, Renaud: les premiers rappeurs »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *