Un cocktail de grands techniciens et maîtres du style au mic, on revient aujourd’hui sur une compil’ importante du rap français tant pour les rappeurs qu’elle regroupe que l’influence qu’aura eu ce label sur le rap. Retour donc sur la compilation 45 Scientific du label éponyme.
Le label 45 Scientific fondé en 1999 est initialement composé de Jean Pierre Seck, Géraldo, Ali et Booba. Il s’élargit ensuite pour former une fusion entre 2 collectifs mythiques du rap français. Time Bomb (avec Lunatic, Hi-Fi, Ill) et le Beat de Boul (avec la Malekal Morte, Sir Doum’s et LIM). Ainsi, la maxime si chère à B2O, « Que des numéros 10 dans ma team », n’aura jamais été aussi vraie.
La compilation 45 Scientific sort en 2001 sous l’impulsion des deux principaux producteurs, JP Seck et Géraldo. Elle met en avant les nouveaux artistes du label comme Hi-Fi ou LIM tout en offrant une carte de visite des morceaux marquants déjà sortis sous le label comme « Têtes brûlées » de Lunatic.
Influences US et univers à part
Produite-maison, principalement par Géraldo, la compil’ est dotée d’une parfaite homogénéité et vient asseoir l’image d’un collectif sombre et mystérieux. Dans la continuité du rap proposé durant l’épopée Time Bomb ou Beat 2 Boul, les artistes démontrent un à un leur aisance au micro. Tout cela grâce à une large palette de rime et des placements dignes de l’orfèvrerie.
De toute évidence, le son made in 45 est pleinement inspiré du rap East Coast des 90’s de Redman à Mobb Deep. De ce fait, ils contribuent largement à importer ce style de rap brut en France. D’ailleurs, Kamal Haussmann, auteur du livre Time Bomb, raconte la façon dont Ill étudiait religieusement les placements de Redman sur « Funkorama ».
Concernant les productions, ce sont des des instrumentales minimalistes mettant en avant la technique, les rimes et les placements des artistes. Telle est la recette du 45 à cette époque.
Pépites compilées
La compil s’ouvre sur un couplet unique d’Ill annonçant d’entrée la couleur : des égotrips rythmés de finesse et d’élégance au micro. Et son aisance est déconcertante, tout lui semble si simple.
On y retrouve deux morceaux d’Hi-Fi. Premièrement, le très agressif « C’que les négros veulent » qu’on retrouvera aussi sur son premier album. Puis un second, « L’élévation » où il kicke sur de simples percussions. Le minimalisme à l’état pur, sauf évidemment pour sa prestation lyricale qui demeure remarquable. Hi-Fi, c’est l’assurance d’une boucherie microphonique.
« J’recherche l’élimination des rivaux puis l’élévation du niveau »
Hifi – « L’élévation
Un peu de folie ? Bien-sûr ! Sur « Stargate », La Malekal et son ovni Mala nous offre un couplet et un refrain scandé de sa voix roque. Difficile à appréhender à la première écoute, il devient vite addictif dans un second temps. Ce morceau est l’hymne de toute cette équipe.
On y retrouve aussi un artiste qui n’aura pas eu une carrière à la hauteur de son talent, Sir Doum’s. Ici, il lâche certainement son meilleur morceau « Du mal à contrôler mes pulsions ». Évidemment, c’est un florilège de technique où il expose tous les vices auxquels il n’arrive pas à faire face.
Comment parler de cette compil’ sans mentionner le fait que le premier extrait de Temps Mort de Booba, « Repose en paix » apparaît ici. Et oui, ce classique sort d’abord sur la compil du label. Rien ne sert de s’attarder sur ce morceau, c’est certainement ce qui se fait de mieux à l’époque.
Héritage indélébile
Enfin, parlons de l’héritage laissé par la compilation de 45 Scientific et plus largement par cette équipe. Leur influence retentit encore aujourd’hui chez la jeune génération qui ne cesse de revendiquer son respect pour ces artistes.
Que ce soit Alpha Wann qui reprend « Momonnaie » d’Ill en 2012 pour se prouver qu’il maîtrise la technique aussi bien que ses pères. Ou encore Ormaz avec « Professionnels » en 2015 en référence aux X-Men.
Citons aussi Dinos qui pleurait la fin de cette époque sur « Bloody Mary » en 2018.
« Mais qu’au final c’n’est pas si triste, quand j’ai vu que Mala n’était plus sur l’tracklisting ».
Dinos « Bloody Mary
Il est évident que cette équipe et l’ensemble de leurs œuvres respectives n’aura cessé d’influencer les nouvelles générations de rappeurs et fasciner le public.
Pour clôturer cet article, nous vous conseillons un excellent épisode du podcast Featuring de Driver. Il y accueillait Jean Pierre Seck (producteur du label 45 Scientific) le temps d’un épisode de 2h pour retracer l’histoire de ce mythique label !
Une réponse sur « 45 Scientific, la compilation mythique »
[…] Le fantasme américain n’a jamais quitté la France. Depuis l’arrivée du Hip Hop sur le territoire hexagonal, la France est rivée systématiquement vers les États-Unis. Un fantasme devenu une obsession. Depuis les années 90, de multiples collaborations entre rappeurs, producteurs, et même ingénieurs du son se sont réalisés. Il est même arrivé que des rappeurs US sortent des disques sous des labels français. Citons l’album Deja Screw du rappeur de Queensbridge, Blaq Poet, publié sur le label 45 Scientific. […]