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Damso – Qalf Infinity : L’ambition au détriment de la qualité

Plusieurs mois après la sortie de QALF Infinity, la suite donné à QALF, le dernier album de Damso continue à faire parler. Un album qui suscite autant de débat dû aux choix artistiques de son auteur. Une vision pas au goût de tout le monde. Billet d’humeur.

Peu importe le médium que l’on traite, il arrive toujours ce moment fatidique où l’auditeur assiste à l’avant et à l’après d’un artiste. L’album du changement ou de la confirmation. L’album qui revendique : « Voici qui je suis, et l’artiste que j’ai toujours rêvé d’être ». Tel est l’intention de Damso avec son dernier album, QALF Infinity, non sans conséquence. 8 mois après sa sortie, revenons sur le dernier album d’une des plus grosses têtes d’affiche du paysage rap français.

L’exploration de son art

Avant même de parler de l’album, il est important de revenir sur la carrière de Damso en quelques points important. La découverte du grand public du rappeur belge date de 2015 avec son apparition sur l’album de Booba, Nero Nemesis et son couplet iconique sur le morceau « Pinocchio ». En 2016, il enchaîne avec la sortie de son premier album Batterie Faible, à l’ambiance aussi froide que sombre, et une écriture crue et introspective. Avec Ipséité bien plus ouvert, tout en conservant son personnage “nwaar”, Damso a créé l’unanimité auprès du public rap français. Parmi ses caractéristiques, les gens aiment son côté totalement désintéressé.

À cette époque, écouter du Damso pourrait s’apparenter à écouter un patient en pleine thérapie. Le rappeur exprime le besoin de ressortir ses pires démons, ses peurs enfouies et ses traumatismes profonds, tout en ayant la gueule de bois à cause de la bière Gordon qu’il tient en main. L’auditeur peut être surpris sur sa manière d’être sincère et honnête. Aucun filtre n’était permis dans sa musique, toutes les figures de style sont bonnes pour dégoûter l’auditeur de l’humain. A cette même période, Damso montre aussi son envie d’expérimenter. Si les morceaux comme « Beautiful » ou « Une Âme Pour Deux » peuvent s’apparenter à des tentatives réussies de profondeur. Ces titres proposent un éventail musical plus large, mais le rappeur ne va pas plus loin.

Le cas Damso

En 2018, avant de quitter le label de Booba, 92i, Damso sort son troisième album, Lithopédion. La réception de l’opus par le public est partagée. Il entre y ceux qui considère son auteur comme un génie de la musique et ceux qui y voient une arnaque. Au-delà de la qualité musicale, qui reste une appréciation subjective, l’album est une prise de risque constante.

Cette sortie pourrait s’apparenter à un test du rappeur. En effet depuis Batterie Faible, Damso a toujours plus ou moins tenté des techniques expérimentales, mais qui ne sont pas au cœur de son projet. Avec Lithopédion, c’est une prise de risque constante. Le rappeur s’essaye à la variété avec « Julien », à la pop avec « Aux paradis » et certains sons sensationnels comme « Tard La Night » ou encore « Festival De Rêve ».

Il est donc logique que cette direction artistique créé du débat, car elle se démarque du personnage sombre à laquelle l’auditoire a découvert le rappeur. Mais face à cette déception, d’autre sont ravis d’écouter un Damso s’essayer à d’autres genres. Il existe aussi une partie à part de ses fans qui admettaient que l’album était intéressant mais pas assez abouti. C’est donc à ce moment précis, que s’ouvre la « la QALF Era ».

« L’album le plus attendu d’l’année sortira pas c’t’année »

A l’image du retour de Nessbeal ou de la sortie d’Ultraviolet de Joke/Ateyaba, QALF (Qui m’Aime Like ou Follow) est un projet attendu depuis Salle d’attente, sa première mixtape. Si le public est abreuvé d’extraits, citons « Ouzbek » et « 50k » et le très attendu « Cœur de Pirate », il est impossible de savoir sur quel pied allait danser Damso. De plus, les quelques feats que le rappeur a effectué depuis 2018 sont dans la même veine qu’Ipséité. En 2018, j’en veux pour preuve « Rêve Bizarre » d’Orelsan et « Personne » avec Vegedream la même année. L’année 2019 est plus chargée avec les deux singles de Kalash, « JTC » et « Pralinés », « Tricheur » avec Nekfeu et l’incroyable « God Bless » de Hamza où ses fans apprenaient le poing serré que QALF serait (encore) repoussé. « Robe » avec Dadju est une performance digne de Lithopédion comme sur le morceau « Promo » avec Ninho sorti l’année dernière. Autant dire que le choix de feat était assez versatile.

Toujours est-il que le rappeur est attendu au tournant. Après une année entière à supporter les théories les plus stupides et imaginables, Damso annonce enfin l’arrivé de QALF le 18 septembre 2020. Une sortie qui n’est pas sans conséquences. Avec 14 titres, 3 feats et un single sorti durant le confinement (sans prévenir qu’il s’agissait d’un single) QALF est un succès commercial absolu, mais un succès critique encore une fois mitigé.

Appuyant encore plus sur son envie d’expérimenter, avec QALF, Damso affirme son envie de recracher toute sa culture musicale, le tout saupoudré de ses images crues et sombres. Néanmoins, si l’album est une réussite dans son intention, la question du long terme est très vite problématique. Malheureusement, l’opus souffre sur quelques points, des influences à Take Care de Drake ou à la synthwave des années 80, ne pourront pas sauver. Pas mal de sons restent oubliables et passé la quatrième track, la réécoute devient fastidieuse.

Sur « BXL Zoo », Hamza donne une bonne performance, mais le son fait presque office de hors-série tant la proposition drill est faible. Le feat avec Lous and The Yakuza n’est pas à la hauteur de leurs talents. L’album reste sympa, mais sans réel saveur. Les fans d’Ipséité trouveront une frustration à la douceur et la monotonie du projet, quand les fans de Lithopédion trouveront cette frustration dans ce manque « d’explosion ». Rajoutez à ça un down grade non négligeable sur l’écriture, on a affaire à un projet pas du tout à la hauteur de Damso et qui risque d’être oublié dans les mois à venir. Cependant, tout n’est pas perdu. Si vous aviez précommandé l’album et reçu la pochette noire, vous le saviez, la suite d’Ipséité reviendrait le 28 avril 2021. Son nom ? QALF Infinity.

Pochette de QALF Infinity

Vers l’Infinity et l’au-delà !

28 avril 2021. Ce soir-là, l’humanité s’en est souvenu. Les albums qui créent autant la polémique que QI ne courent pas les rues et Dieu seul sait qu’on en a pas fini. Dans la tracklist de QALF Infinity – une sorte de version deluxe de l’album – regroupe un total de 11 titres avec la marque de l’alphabet grecque présent sur Ipséité. Ne tournons pas autour du pot bien longtemps : cet album est un échec sur beaucoup trop de point pour être retenu dans les tops de l’année.

Le principal gros problème de l’album, c’est Damso. Certes, il est intéressant de mettre un maximum d’éléments dans ses productions, cela crée un univers riche vu nulle part ailleurs dans le rap francophone. Cependant, le rappeur ne suit pas dans son interprétation, alors cette ambition s’annule. Damso souffre d’un énorme problème : il n’a plus aucun charme. Difficile d’être pris dans sa voix comme on l’a été sur Batterie Faible, ici Damso tente certains flows à la limite du risible. Sur les deuxièmes parties de « Dose » ou « Morose », il débite un fast-flow horrible, digne d’une parodie d’Eminem. Damso semble constamment dépassé par les événements. Il utilise une voix beaucoup trop éclaircie qui ne lui va pas du tout. Ecouter Damso sur QALF Infinity consiste à se poser la question : Pourquoi tu fais ça ?

Une faillite artistique

Il n’y a pas que sur ce point-là que le mât blesse. Son écriture manque terriblement de consistance. On pourrait limite croire que Damso a le cul entre deux chaises et ne sait jamais s’il veut renouer un lien avec ses fans de la première heure ou pas. « Zwaar » en est la preuve. Malheureusement, sortir des « Binks, Binks, Binks, dans l’tieks tieks tieks » agrémenté de Nwaar toutes les secondes, ne lui sert pas à rendre son titre sombre comme l’était un « Débrouillard ». On a surtout l’impression d’écouter une parodie de Damso, l’expérience devient gênante.

L’album reste constamment dans un embarras de tout les instants, l’écriture n’est plus aussi jouissive qu’à l’époque, elle est au mieux pas terrible, aux pires véritablement honteux pour du Damso. Dans « Morose », il tente de créer une ambiance spatiale dans le refrain avec une phrase limite comme « j’t’entends t’épiler la chatte ». C’est non seulement une terrible faute de goût, mais en plus elle mal amené. Damso semble avoir la tête plus sur la forme, que le fond. Ce qui est non négligeable, c’est que le travail de production est très impressionnant. Chaque track a droit à 2 ou 3 prods différentes mais l’ensemble est souvent gâché par le manque de puissance du rappeur belge. D’autant plus que l’album se permet aussi deux trois faux pas à ce niveau comme « Dose » ou « 2 Diamants », un hit raté. Deux sons voulant servir de story-telling qui ont peu d’intérêt et manquent de profondeur.

L’album est un échec pour le public mais certainement pas pour le rappeur. S’il devient extrêmement compliqué d’écouter tout son projet d’une traite, il est bien plus bénéfique de voir cet album comme un crash test. En effet, QI sonne comme un essai, comme une envie de préparer le terrain à des projets cette fois-ci, bien mieux travailler sur tous les niveaux. Dire que QI est raté est en réalité une très bonne chose, parce qu’il pourrait permettre au rappeur d’ouvrir la voix à des projets plus qualitatifs.

« Morose » est l’une des preuves de cette volonté. A la fin du morceau apparaît, un saxophone, symbole que Damso veut toujours tenter des choses. Quitte à les concrétiser dans un futur grand classique qui sait. Espérons qu’il retrouvera le temps et l’inspiration nécessaire pour montrer qu’il est le rappeur préféré de millions de personnes. Mais comme il l’a toujours affirmé, il fera de la musique par passion, peu importe qui l’aiment, le like ou le follow.

2 réponses sur « Damso – Qalf Infinity : L’ambition au détriment de la qualité »

[…] Autre gros vendeur ensuite, Damso. Le belge nous a livré la réédition de son “QALF” nommée “…Infinity”. Mais là, l’avis est plus mitigé. Beaucoup ont crié au génie tant le rappeur est parti loin dans son délire musical. Mais de leurs côtés , les fans de la première heure se montrent déçus ne retrouvant pas le “Dems” de ses premiers albums en ce qui concerne les textes. Une critique plus détaillée est disponible ici. […]

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