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Interview – Cul7ure: « Osmose est un magazine équilibré avec des contenus équilibrés »

Au début du mois de septembre, le média Cul7ure annonçait en grande pompe la venue de leur premier magazine, Osmose. Au menu de cette revue inédite, on retrouve des portraits d’artistes, des dossiers sur le rap australien ou encore une interview du duo de photographe Cestpasunfilm. Une démarche pas si anodine dans le monde des médias rap présent quasi exclusivement sur internet. IntergeneRAPtions en a profité pour échanger avec Cul7ure autour du premier numéro d’Osmose.

En 2021, dire que le rap domine le monde de la musique n’est plus un postulat, c’est un fait indéniable. Du moins, cette domination dans l’industrie musicale est commerciale et se mesure sur les plateformes de streaming. En même temps, que le rap s’est dématérialisé, c’est toute la presse rap qui s’est engouffré exclusivement sur internet. Dans le sillon du renouveau du genre au milieu des années 10, toute une galaxie de nouveaux médias est apparu sur internet, avec des pure-players, mais une présence important sur les réseaux sociaux et avec le support de la vidéo très développé.

Crédit photo: Ines Mnsi

Parmi cette galaxie, Cul7ure, créé en 2016, a misé sa ligne éditoriale sur la qualité de contenu rédactionnel et en mettant la lumière sur des propositions artistiques novatrices. Après avoir développé une chaîne Youtube et ouvert une chaîne Twitch, l’équipe de Cul7ure a annoncé, début septembre 2021, la sortie d’un magazine papier intitulé Osmose. Une démarche inédite tant la presse semble représenter l’ancien monde pour les médias rap. Dans ce magazine, les rédacteurs abordent des sujets aussi larges que le rap australien, des portraits de rappeurs comme Nessbeal, Mac Miller, le business du rap ou encore « les fondements littéraires des rappeurs ». Une démarche inédite et des sujets intéressants qui ont recueilli plusieurs retours positifs. Après le succès de leur campagne de pré-commande, les magazines ont prévu d’être envoyés fin novembre. IGNR est parti à la rencontre de Florian, co-fondateur de Cul7ure pour parler de leur nouveau bébé.

Ingr : Comment vous est venu l’idée de faire un magazine papier ?

7C : Depuis sa création, Cul7ure est un média qui a toujours été axé sur la rédaction. Le média a été créé le 19 mars 2016 et le 20 mars, je publiais notre premier article. On accorde une grande importance au format rédactionnel. Avec le magazine, ça part d’une envie de matérialiser ce qui a été fait depuis six ans chez Cul7ure. Ça nous permet aussi d’avoir une trace écrite, dans le sens où si j’oublie de payer l’hébergement du site ou l’URL, Cul7ure peut disparaître.

Osmose c’est donc une forme plus concrète de nos contenus et ça nous a permis de faire des articles qui allaient plus loin. Chaque membre de l’équipe a essayé de se dépasser pour faire des articles encore plus qualitatif que ceux qu’on trouve gratuitement sur Cul7ure. L’idée est aussi de proposer un beau produit qui nous satisfait autant que les consommateurs.

Ignr : Pourquoi Osmose ?

7C : Au début du processus, on cherchait un mot sans trouver de chose satisfaisante. Un jour, un rédacteur est arrivé avec le mot « osmose ». C’est un mot qu’on trouvait joli à la fois à la prononciation et visuellement, ça ressemble à un palindrome comme kayak.

Et puis, c’est aussi l’idée du média d’amener de l’osmose dans nos contenus, d’avoir un juste équilibre entre le fond et la forme, entre un rap plus ancien et un rap plus actuel, entre objectivité et subjectivité. Ce mot résume bien l’idée de créer un magazine équilibré, avec des contenus équilibrés qui trouvent de l’osmose dans les différents contenus.

crédit photo: Ines Mnsi

Ignr : Tu parles de l’envie de proposer de la qualité aux gens à vos lecteurs, cette idée de partage avec le public, c’est ce qui vous a motivé à faire ce projet ?

7C : Ouais ça vraiment été au centre du projet. Au-delà de l’aspect rédactionnel, il y a aussi ce qui alimente le magazine, les photos et les illustrations qu’on y trouve, la couverture et même la typographie des lettres. L’idée c’est de faire un beau magazine qui aurait sa place dans une bibliothèque par exemple. Comme on aime les beaux objets, par exemple j’ai une collection de vinyles, c’était aussi l’idée de faire un beau magazine qui nous rendrait fier.

Ignr : Aviez-vous des modèles dans la création de votre magazine ?

7C : Notre référence absolu et on s’en cache absolument pas, c’est l’Abcdr du son. On s’inspire d’eux, dans l’idée de proposer la fois de la qualité rédactionnel et du beau contenu sur de la bonne musique. J’ai beaucoup aimé leur livre, l’Obsession rap, sorti l’année dernière, ça été une inspiration en tant qu’objet. Du coup, dans la liste des inspirations, j’ai montré ce modèle à notre directrice artistique parmi tant d’autres. Finalement, elle m’a pas du tout écouté. Elle a donc fait à sa sauce et c’est tant mieux. Ça nous permet par conséquent d’avoir notre propre patte, la patte Cul7ture.

Ignr: Vous avez mis combien de temps pour la création du magazine entre l’idée de départ et la réalisation ?

7C : L’idée existe depuis longtemps. D’abord, j’en parlais avec Amélien, rédacteur en chef du média. Ensuite, au mois de mars, j’en ai reparlé avec l’équipe et c’est devenu concret en juillet. On a lancé la rédaction d’Osmose mi-août.

Ignr : Pourquoi avoir voulu mettre Rohff en couverture de votre premier numéro ?

7C : Parce que c’est une belle photo du duo Cestpasunfilm, deux photographes très talentueuses avec qui on est en contact grâce à l’une des membres de l’équipe. Au début, on voulait pas forcément mettre de photo en couverture, on pensait faire un joli visuel, un truc complètement digital. Finalement, on est tombé sur la photo de Rohff qu’on a adoré et elle s’est retrouvé en couverture. Il a notamment fallu l’accord de son équipe et de Rohff lui-même…

crédit photo: ines mnsi

Ignr : Justement, je voulais savoir s’il était au courant.

7C : Oui totalement et il nous en a même demandé un exemplaire. C’est sa manageuse qui nous a demandé un pour lui. C’est trop cool. Vu qu’on mettait la photo de Rohff en couverture, fallait qu’on fasse un article sur lui. Amélien s’est porté volontaire et a écrit un super article qui s’intitule « Plus rien à prouver ».

Cover du magazine Osmose, Crédit photo: cestpasunfilm

Ignr : Quel a été l’idée directive pour la rédac magazine ?

7C : La seule consigne que j’ai donné aux rédacteurs, c’est faites vos meilleurs articles. Je voulais des portraits larges, des sujets un peu plus vastes, des articles un peu plus profond comme « l’enveloppe de l’artiste » qui parle de la mode, des vêtements des rappeurs. Mais on retrouve aussi des sujets un peu plus fun, comme « 5 albums de rap australien », c’est un top que tu pourrais retrouver sur YouTube, ça nous fait une double page dans le magazine avec de belles images. Il y a aussi une interview de Cestpasunfilm. Au début, j’avais dit à l’équipe pas d’interview car le magazine doit rester un intemporel.

On a l’habitude d’interviewer des artistes très actuels. Par exemple, un membre de l’équipe à proposer d’interviewer J9nueve, mais avec l’idée de faire un magazine intemporel, cela ne marchait pas. Dans le sens où si on propose l’interview de quelqu’un pour le magazine, il faut qu’elle est suffisamment d’histoire derrière lui. J9nueve est plus au début de sa carrière qu’à la fin. Du coup, l’interview Cestpasunfilm est apparu comme une évidence. Elles ont fait la photo de couverture, elles ont un joli parcours en tant que photographe. C’est aussi deux femmes dans l’industrie actuelle, avec tout ce que ça véhicule, ça a donné un échange très cool. Cette interview a du sens de paraître dans notre premier numéro.

Sommaire du premier numéro d’Osmose

Ignr : Dans votre sommaire, j’ai trouvé que les sujets traités sont pas vraiment au cœur de l’actualité. Est-ce que c’était voulu de parler du rap avec un pas de côté ?

7C : Tu m’apprends que ça te fait cette impression, car on n’a pas fait attention à ça. Amélien adore la musique d’Earl Sweatshirt, donc il a écrit un article sur lui. Moi, Nessbeal c’est mon artiste préféré, j’avais un projet de docu à faire, mais c’est un peu compliqué. Comme j’avais déjà beaucoup de contenu que j’avais déjà bossé, j’ai écrit avec un article sur lui. C’est venu naturellement en fait. Les choix des sujets se sont fait sans calcul.

Le seul article calculé c’est celui des recommandations qui sont liés à un artiste dont on parle dans le magazine. Concrètement, j’ai fait un article sur Nessbeal, j’ai recommandé l’album de Ben PLG que j’ai eu la chance d’écouter [sorti le 26 novembre 2021], car entre les deux artistes, j’y vois une filiation assez logique dans la manière de faire leur rap. Le seul calcul a été pour les recommandations en fonction de nos artistes, et pas forcément dans l’attente du public.

crédit photo: ines mnsi

Ignr : Dans le magazine, on retrouve aussi un article sur les contrats dans le rap. Comment vous avez traité ce sujet ?

7C : C’est un article écrit par Bakary. Il s’est dit qu’avec l’exposition du rap sur internet, c’est devenu très rapide de mettre sa musique dessus. Du coup, il a eu envie de parlé des différents contrats et voir ce qu’ils représentent. Du coup, il a expliqué le contrat d’artiste, le contrat de licence commune, le contrat d’édition et le contrat de distribution avec les termes spécifiques qu’il a pu trouvé dans sa documentation. C’est des questions qui intéressent le public.

Ignr : Au vu de l’état de la presse rap, majoritairement sur internet et en format gratuit, est-ce que vous avez pensé au fait de sortir un magazine payant ?

7C : Forcément. Publier un magazine rap payant en 2021, c’est complètement à l’opposé de la conjoncture actuelle. La musique est devenu accessible très facilement. Pour 10 balles, tu as accès à tout sur les plateformes de streaming. Même si tu ne payes pas, tu as de la pub sur Spotify ou tu peux regarder des clips sur YouTube. Le rap est devenu presque gratuit. C’est pas très logique, mais ça fait plus de 5ans qu’on habitue notre communauté à deux ou trois articles gratuitement sur notre site.

Pour autant, on est aussi dans un moment où les médias rap cherchent leur modèle économique. Car c’est plus possible de travailler gratuitement. C’est plus possible d’être à la solde des labels. Il faut faire force de propositions en amenant son propre modèle économique. Alors certains médias passent par le lancement de soirées, d’autres par la sortie de tape comme 1863 ou encore par la relation presse avec leur article. Du coup, on s’est aussi posé cette question pour gagner un peu d’argent afin de financer nos projets à l’avenir. Finalement, on a choisi de sortir Osmose, un beau magazine payant mais qui serait agréable pour le lecteur.

crédit photo: ines mnsi

Ignr : Pourquoi avoir mis en place un système de pré-commande pour se procurer le magazine ?

7C : Ça revient sur l’idée du système économique de Cul7ure. En fait, on n’avait forcément pas l’argent pour avancer l’impression du magazine. Quand la campagne pré-commande s’est terminé, on a récolté l’argent, mis en route la fabrication physique et l’envoi du magazine. Après on parle de pré-commande mais c’est une commande toute simplement. Ce système nous permet de financer le magazine, pour ne pas avancer de l’argent qu’on a pas et pour ne pas s’enflammer sur un nombre trop élevé. Personnellement, j’avais peur qu’on mette 500 exemplaires en vente. Finalement, on a mis 200 exemplaire, pour un premier numéro c’est très bien et on en a vendu 187. A titre personnel, je fixais mon objectif à 150 exemplaires vendus, donc c’est réussi.

Ignr : Tu parles du volume deux, est-ce que c’est quelque chose que vous avez déjà envisagé ?

7C : De base, on a pensé Osmose comme un intemporel, un magazine qui ne vieillira pas et se suffit à lui-même. Finalement, dans la démarche, on voit plus Osmose plus comme un livre qu’un magazine. Mais dès l’annonce du magazine, on a reçu beaucoup de retours positifs sur les réseaux sociaux Cul7ure. Donc on s’est dit que d’autres volumes pourraient suivre. Pendant longtemps, le magazine devait s’appeler juste Osmose. Puis, un mois avant le lancement, on a rajouté le volume 1. Même si le volume 2 ne marche pas et qu’on s’arrête là, c’est pas grave, ça sera déjà très bien. Mais oui on prévoit de sortir d’autres volumes.

crédit photo: ines mnsi

Ignr : Pour le volume 2, vous avez déjà des idées ?

7C: Pas du tout, car écrire le premier volume d’Osmose, c’était marrant comme aventure, mais qu’est-ce que c’était éprouvant (rire)! On veut d’abord palpé le travail qu’on a fait, en recevant l’exemplaire. On verra ce qu’on va faire pour la suite. Dès l’annonce, on a eu une belle réception du projet de la part du public. Maintenant, on espère que ça leur plaira.

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