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Orelsan – « Civilisation » : Gagné d’avance

En cette fin d’année 2021, Orelsan vient de combler sa très conséquente fan base avec son 4ème album solo, 4 ans après La fête est finie et 3 ans après sa réédition. En ces temps de surproduction musicale, certains diront qu’il était temps Alors, Civilisation d’Orelsan justifie t-il cette (longue) attente et les espoirs que le public place en lui ? 

Orelsan est un personnage à part. Il parait constamment détaché de tout. On a même l’impression qu’il fait tout à l’arrache. Mais le Caennais ne fait que confirmer l’adage qui conseille de ne pas se fier aux apparences. Orelsan et son équipe ont tout calculé et tout fait pour que Civilisation soit un succès. En tout cas, une réussite commerciale.

Cover de Civilisation de Orelsan
L’art de la promotion

On connaît l’impatience des auditeurs actuels qui exige toujours plus de sorti de leur artiste fétiche. On se dit qu’Orelsan n’avait pas spécialement besoin de grands effets d’annonce. Mais derrière ces airs de mec un peu flegmatique, le Normand est un fin stratège.

La promotion de ce nouvel album a commencé de façon déguisée avec la sortie du documentaire Montre jamais ça à personne sur Amazon Prime Video. Celui-ci retrace sa carrière et son aventure dans la musique depuis ses débuts. Un documentaire plutôt touchant qui trancje dans sa réalisation avec les autres reportages du genre. En effet, il est constitué d’images filmées par le frère du rappeur, Clément. Résultat: le public a adoré. Ce film lui a aussi permis d’augmenter son capital sympathie auprès de ceux qui ne le suivaient pas particulièrement.

Quelques jours après cette sortie du documentaire, est venu l’annonce du nouvel album, Civilisation avec un nouvel énorme coup de communication. L’artiste et son équipe ont opté pour une stratégie de commercialisation de l’album en édition limité. 15 versions différentes en précommande sont proposées avec chacune des pistes l’album illustrées sur les CD. Une stratégie payante car une bonne partie du public d’Orelsan appartient à la « génération CD ».

Ainsi, les exemplaires sont devenus un véritable objet de collection et ils se vendent comme des petits pains. De ce fait, Orelsan obtient quasiment avec Civilisation un disque d’or en quelques jours et ce avant même sa sortie officielle.

Dernier coup de collier avant de délivrer l’album aux oreilles de tous, la sortie « surprise » du 1er extrait de l’album. En effet, Le 17 Novembre sort le clip de « L’odeur de l’essence ». Un titre produit par Skread et Phazz qui assurent la majorité des productions de cet opus. Orelsan y dénonce tout ce qui selon lui ne va pas dans notre société dans la lignée de titres comme « Suicide social » ou « Basique ». Certains diront qu’il ne fait qu’énoncer des poncifs faciles pendant presque 5 minutes. Mais est ce vraiment si facile que cela ?

Tout n’est pas si facile…

Aurélien Contentin a toujours eu cette faculté de traiter de sujets qui parlent à tous et cela de façon abordable. Pas d’histoire de rue ou d’apologie de la violence. Non, Orel’ parle de son vécu et révèle les travers de la société actuelle avec un amour non dissimulé pour la controverse.

Il le fait avec son propre style fait de mots simples et sans se faire passer pour le poète qu’il n’est pas. Sur l’intro de l’album « Shonen », c’est avec des mots on ne peut plus simples qu’il narre son parcours et sa réussite dans l’industrie musicale sur une prod résolument moderne.

Il reprend la même formule pour raconter sa jeunesse dans « La quête ». Les tournures de phrases et le vocabulaire y sont presque enfantins. Une technique qu’il reproduit dans le contenu et même le titre du morceau « Bébéboa ». Et même si l’alcoolisme, n’est pas un sujet facile à traiter.

Idem, lorsqu’il prétexte le sujet de sa vie d’artiste tranquille pour en fait de peindre sur quotidien et parler de sa famille dans le titre « seul avec du monde autour ».

…Tout ne tient qu’à son style

Le rappeur est donc capable de raconter des histoires et de disserter sur un tas de thèmes différents (sérieux ou moins sérieux). Il le fait avec des textes à la portée de tout le monde y compris à ceux qui ne sont pas familiers du rap. C’est là que réside la particularité du « style Orelsan ». Le meilleur exemple est sur le titre « Manifeste » qui est un des sommets de l’album. 

Au premier abord, il semble simplement raconter une journée de manifestation qui se termine mal. La narration est encore une fois exécutée avec cette esthétique chère au Normand. On se croirait dans une simple discussion entre potes. On y retrouve son écriture hyper imagée qui rend le morceau immersif au possible. Mais c’est dans les thèmes qu’il y développe que le titre prend tout son sens. Orelsan réussit sans en avoir l’air à parler de politique, des ravages des réseaux sociaux ou de la pénibilité du travail dans le monde de la santé. Il peut même dévier sur les couples monoparentaux, la précarité sociale ou les préjugés raciaux. Et tout cela sans avoir l’air de faire du rap conscient. Un véritable tour de force. 

Conscient ou engagé, le titre suivant, « L’odeur de l’essence » l’est plus. Mais encore une fois, même si il semble plus énervé, la façon qu’il a de déverser une succession de clichés par définition évidents, à l’art de toucher dans le mille. Une autre belle réussite. 

Classé le dans la variet’…?

Alors les adeptes de lyricistes ou autres techniciens du rap vous diront peut-être qu’Orelsan ne fait plus de rap. Ont-ils vraiment tord ? En effet, ce n’est pas un adepte de la rime multi-syllabiques à outrance et ne cherche pas forcément à utiliser des rimes riches. A l’instar d’un Kery James, il préfère tout simplement répéter le même mot en fin de phrases si cela peut l’aider à faire passer son message.

Sur la deuxième partie de l’album, on flirte avec de la variété, ce qui ne ravira pas les puristes. En effet, le rappeur n’hésite pas à chantonner sur plusieurs titres. Sur ceux-ci, il traite de sujets tels que la dépression (« Jour meilleur »), l’amour (« Ensemble ») ou les dérives de la mondialisation (« Baise le monde »). Des thèmes qui ne trouveraient probablement pas leurs places dans la plupart des albums de rap actuels.

Cette seconde partie d’album, Plus mélodique et personnelle, lui permet de satisfaire la tranche de son public qui est plus branchée chanson française.

Il est vrai que sur cette fin de projet, la clientèle rap peut s’ennuyer en écoutant Orelsan débiter des textes presque déprimants avec sa voix si particulière. On oscille en effet entre l’ado désabusé et le lycéen amoureux transi. La crise de la quarantaine pointerait-elle le bout de son nez ?

Heureusement, le retour de Gringe et donc des Casseurs Flowters, ravira les fans de la première heure avec un délire toujours autant décalé pour le bien nommé « Casseurs Flowters infinity ».

Et c’est avec le morceau éponyme, autre titre retraçant son parcours, qu’il vient clôturer l’album. Le titre se termine par une phase lourde de sens et présente dans le premier morceau de l’album. La boucle est bouclée.

« On a fait c’qu’on a fait, mais on l’a fait,hein ! Tout s’transforme, rien n’se perd: ombre et lumière… »

« Shonen » et « Civilisation »
Tracklist de « Civlisation »
Gagné d’avance

Entre la stratégie commerciale, l’attente suscitée auprès de ses fans et le talent difficile à remettre en cause du rappeur, il était presque évident que le succès commercial serait au rendez-vous. A l’heure où nous écrivons ces lignes, Orelsan a écoulé l’équivalent de 94000 exemplaires de Civilisation. Une performance énorme pour une semaine entière d’exploitation. Un record !

D’un point de vue critique, on sera plus mesuré. Même s’il possède d’excellents moments, l’albul est trop entrecoupé d’instants de naïveté voir de mièvrerie. En même temps, il nous prévient sur l’intro du titre avec son acolyte de toujours: « Je fais un album sur ma meuf et la société ». Pas assez subversif, trop neutre, beaucoup y trouveront quelque chose à redire.

Mais comme tout ce qui concerne le timing est calculé à la mèche de cheveux blancs près, l’album sort quelques semaine avant les victoires de la musique. Vu les chiffres de vente, la grande qualité de certains titres et sa réussite habituelle dans cette cérémonie, il ne serait pas étonnant de voir Orelsan et Civilisation rafler un nombre certain de prix. Et même si la catégorie fourre-tout « musique urbaine » a disparu, il y a sûrement toutes ses chances.

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