Eloquence –  » Maison Suave  » : road movie d’un OG

Le 17 Juin dernier, le trop discret Eloquence nous a délivré son dernier opus Maison Suave. Un véritable road movie de 13 pistes aux ambiances teintées de Jazz et de Soul sur lesquels l’Essonnien nous conte son existence de OG. Une petite merveille dont voici notre chronique.

Les gangsters et autres hors-la-loi ont toujours occupé une place spéciale dans les textes des rappeurs. Peu importe que ces gangsters soient des personnages de fiction ou ayant réellement existé, le rap français a cité pêle-mêle, Jacques Mesrine, Vito Corleone, Marlo Stanfield en passant par Tony Montana. Si on devait penser à ceux qui ont influencé Eloquence pour Maison Suave, il faudrait plutôt se tourner vers Franklin Saint, personnage principal de la série Snowfall. Et même Franck Lucas, personnage réel à qui est notamment consacré le film American Gangster. Ces deux derniers « malfrats » sont noirs et fiers de l’être. Eloquence l’est aussi et il le rappelle dès les premières mesures de Maison Suave : 

« Roi de Bélize, Descendant d’esclave et de pharaon d’Egypte»

Eloquence – «Original Méchant »

Une bande originale Soul et Jazzy

Ces inspirations se retrouve également dans la musicalité de son dernier opus. En effet, avec Maison Suave, Eloquence pose sa voix sur des prods teintées de Jazz, de Soul et voir de rythmes Latino qui sentent bon l’Amérique des années 70. Pour concocter cette écrin, le rappeur du 91 a fait appel à plusieurs beatmakers. Gizzle Beats, Flagrandelit, Cortez, Chapo & Heinzenberg, DJ PerK, Jack, Kyo Itachi, CashMoneyAP et enfin K.Oni sont bien présent sur le disque. Ils fournissent pas moins de 13 pépites diversifiés qui sont la bande-son de ce road movie.

Car l’ambiance de cette nouvelle galette d’Eloquence est celle d’une bande originale d’un film dans lequel on traverse les États-Unis en plein été. Un voyage avec Eloquence sur des routes dont on voit la chaleur émaner du bitume et qui a pour terminus La Maison Suave. Un club où il fait une chaleur moite. Et dans lequel on se pose dans un fauteuil avec un verre de Chivas 12 ans d’âge et un bon cigare (ou autre chose à fumer) pour écouter la musique d’Eloquence.  

L’attitude d’un OG

L’attitude de l’artiste rappelle également le comportement de Franck Lucas. Eloquence est un véritable OG. Son rap a beau être hardcore, lui est habillé d’un costard en lin blanc et assis dans un fauteuil en osier. Nul besoin de crier ou de faire de grands gestes pour se faire respecter. Le ton est posé, mais les phases fusent et piquent quand il faut. 

Eloquence n’est pas un nouveau venu dans le game. Il est là depuis plus de 15 ans. Étant de l’ancienne école et ayant fait ses preuves, il n’y a pas de doute sur ses capacités à rapper. Mais son talent prend encore plus d’ampleur sur ce nouvel opus. Les prods évoquées plus haut sont atypiques. Il n’est pas donné à tout le monde de réussir à poser dessus. Eloquence, lui, s’y ballade. Les placements sont impeccables, même lorsqu’il semble hors des temps, il retombe sur ses pattes de façon impressionnante. On a affaire a du travail d’orfèvre.

Pour l’accompagner dans ce road movie, le rappeur a avisé son casting. Pas de grands noms du rap francophone mais des artistes qui collent parfaitement à son univers. En effet, on y trouve Tedax Max, Tookie, VR The Legend, Zook Noir, A’s Marekage Streetz, Raph Gpw, Joey Mata et BO Digital. On a aussi le droit à un featuring attendu depuis longtemps avec Smoker MC. Peut-être manque t’il tout juste la présence de Joe Lucazz avec qui il nous avait livré le très bon Codex Gigas l’an dernier.

Rap de niche haute qualité

Avec Maison Suave, Eloquence livre un excellent album que l’on pourrait classer dans la même catégorie que Tesla Coupe Deville de Gizo Evoracci ou les récents projet du groupe MCity. De vrais opus de rap où l’inspiration américaine est omniprésente. Un album qui respire le classicisme tant sur le fond que dans la forme. Loin de standards de ce qui passe sur les ondes des grandes radios rap francophones. Un énorme succès commercial est donc à oublier. Mais la reconnaissance des vrais amateurs de rap devrait, elle, être au rendez vous. Et comme Eloquence le dit lui même, si on pas ce qu’on mérite, on le prend.