La Selec’son rap français d’Avril 2023

Un retour après 3 ans d’absence, un jeune rookie sûr de lui et une future superstar en bête de scène, c’est parti pour la review rap français de ce mois d’avril 2023.

Lord Esperanza – Phoenix 

Nouvelles sonorités, nouvelles couleurs, Lord Esperanza renaît aux côtés du musicien Nino Vella. Après 3 ans d’absence, Phœnix est sorti le 7 avril dernier. Une petite semaine après la sortie de ce nouvel album, le rappeur et son équipe avaient convié son public à venir le rencontrer dans un pop-up store à Paris. IntergeneRaptions a eu la chance de s’y rendre et échangé avec l’artiste. Avant que celui-ci se produise sur scène pour un piano-voix assez intime.

Le rendez-vous est donné dans une ancienne caserne de pompier, transformé depuis en un lieu confortable et décorée. C’est au cours de cette longue discussion que Lord Esperanza, tout sourire, affiche sa fierté pour Phœnix. Heureux de partager ce qu’il définit comme « un bout de lui-même ». Car cet album est plus poussé, plus personnalisé et abouti que les précédents. 

La direction artistique qui s’étend même jusqu’au design du vinyle est méticuleusement réfléchie. L’album sonne épique. Les nombreuses chorales apportent de l’épaisseur au rappeur qui désormais ne se définit plus comme tel. Il a depuis dépassé les barrières du rap. 

Une renaissance musicale

En effet, Lord s’éloigne du rap qui le caractérisait tant en 2018. L’égotrip, et la découpe lui plaisent toujours autant, nous avoue-t-il, mais « pas dans un album ». Et surtout pas pour Phœnix. Cet album est plus mélodieux, chanté et orchestral.

On doit cette nouvelle couleur au pianiste Nino Vella. Cet artiste devenu ami de Lord, a largement contribué à la conception de cet album. De la direction artistique, à la composition de 12 des 15 morceaux. « Cet album c’est autant le mien que le sien » décrit-il lors de cette rencontre. C’est lui qui donne aux morceaux ce ton si particulier, si précis et précieux. 

Phœnix aborde une multitude de thèmes. Si l’artiste évoque surtout ses émotions, et sa solitude, il se rebelle dans « Black Amadeus » avec Médine. Il dédie également un morceau à sa mère « Château de cartes », qu’il interprète en piano-voix à la suite de notre entrevue. Tous ses morceaux arborent une poésie précise et esthétique. Sa prose est touchante, émouvante. 

“J’ai huit ans quand tu regardes le vide, prête à sauter la rambarde”

Château de cartes – Lord Esperanza 

L’artiste nous confie avoir pris le temps pour confectionner cette œuvre afin d’en être complètement fier. Il veut créer pour lui, comme pour son public un album intemporel. Si l’utilisation de « l’album la maturité » est souvent galvaudé, ce retour marque aussi un renouveau pour Lord, au delà même de la métaphore du phœnix. Dans cet album, on le sent moins insolent, plus réfléchi, plus grandi.

Malgré tout, son amour pour la scène reste inamovible. Le 1er avril, il donnait un concert exceptionnel éclairé à la bougie. Depuis une tournée dans toute la France, a été annoncé, dont une Maroquinerie le 12 mai prochain et un Trianon à la fin de l’année. Ainsi, comme le phœnix renaît de ses cendres, Lord Esperanza offre un album complet, qui trouvera sans aucun doute son succès dans le temps. Un album fait avec et Paramour.

NeS – ÇA VA ALLER

Si la maxime conseille de ne pas se découvrir d’un fil au mois d’avril, NeS l’a bien intégré. Il a lâché le 21 avril un nouvel EP glacial. De la pochette aux clips en passant par les flows ou les rimes, ÇA VA ALLER a eu le droit à une version physique inédite. En effet, le rappeur parisien subissaient un véritable harcèlement sur les réseaux pour la sortie d’un format physique. Bien entendu, les quelques 1000 copies mises en ventes ont été prises d’assaut. Mais ses précédents sorties ont aussi eu le droit à une édition physique.

Sur ce court projet de 20 minutes, NeS s’impose encore plus. Sans se réinventer, le rappeur étale sa qualité technique sur les 8 morceaux, tout en essayant d’autres styles. Dans « LES SAPES QUE JE VEUX », il poussa sa voix sur le refrain vers les aigus. Et ça fonctionne plutôt bien. Impossible de ne pas bouger la tête sur les couplets et la basse puissante. La petite mélodie presque chaloupée et autotunée du refrain étonne, mais reste délicieuse. En effet, celui qu’on appelle la chèvre utilise le format EP pour expérimenter. 

On retrouve une couleur électronique comme sur ses précédents projets. Sur l’outro « LE SOURIRE D’UNE TOMBE », ses expérimentations sont davantage poussés.

« j’ai froid à la tête, la capuche jla met pas pour le style »

CVA -NeS

Une ambiance glaciale

D’une manière générale, l’ambiance du projet est glaciale. Les rimes égotrip travaillées et percutantes dans « – 94°C » avec Yvnnis créent un courant d’air gelé avant que Deemax vienne nous réchauffer avec un flow et un passe passe soutenus sur « 4X4 ». 

Dans les textes, on distingue une introspection nouvelle. NeS s’ouvre un peu à nous, ses doutes, ses peurs sont camouflées derrière l’égotrip. A l’image de Novae de Yvnnis, NeS a peur de n’être qu’un effet de mode. A travers cet EP, on ressent les doutes, mais surtout, il explique le travail et les efforts qu’il a consentis pour être à sa place, non sans une certaine fierté.

« les objectifs ne transforment petit à petit en case qu’on coche »

A/R -NeS

Sa tristesse est exprimée à travers une musicalité limitée à une boucle de drums et sa voix a peine traitée. Comme dans « A/R », un de nos morceaux préférés. 

« j’ai pleuré à l’envers, sur le plafond je recompte mes gouttes »

RER C – NeS

Malgré tout, il est sûr de lui, d’être l’élu, sûr que tout ira bien, il se le répète en boucle, son heure viendra. « Ça va aller, la même phrase en boucle ».

Yuz Boy – SAJE

Future rockstar, bête de scène et véritable touche à tout, Yuz Boy se révèle un peu plus avant que tous les projecteurs soient braqués sur lui. Depuis le début d’année, il est en tournée avec le média 1863 avec d’autres artistes comme Tuerie, Yvnnis, Sean ou Aamo. Mais c’est bien lui qui attire tous les regards. En effet, l’artiste porte déjà une réputation une grosse réputation d’être une bête de scène. Même Makala, référence dans le domaine, a déclaré « garder un œil sur lui ».

Yuz Boy aura une opportunité supplémentaire de briller puisque qu’il figure parmi les candidats de la saison 2 de Nouvelle École, la télé-crochet made in Netflix. Un coup de projecteur immense, non négligeable où il faudra jeter un œil.

Mise en orbite programmée

Avant cette potentielle mise en lumière, Yuz Boy a publié en ce mois d’avril un E.P de 9 morceaux. Dans Sajé, Yuz développe un univers propre à lui. Éclectique et vaste, il touche à tous les styles. Cet EP se veut comme une palette de son talent.

On retrouve des morceaux très différents, comme « Mayers » plutôt pop, son auteur a une voix chaude et pure dans un refrain entraînant. Alors que sur « ya foy », beaucoup plus expérimental, se rapproche d’un mumble rap, avec une voix chuchotés qui sentremêlent les unes les autres.

Dans « jusqu’ici tout va mal » et « du3a », Yuz Boy reprend sa voix nonchalante et presque nasillarde. Complètement opposé à la beauté du chant dans « Mayers » ou « nirgahc ». 

Chez Yuz Boy, on ressent déjà tout d’une future superstar. Une personnalité décalée, une voix particulière et phénomène sur scène. Il ne cherche qu’à se révéler aux yeux du grand public. Ça tombe bien Netflix, à déjà programmé une probable mise sur orbite avec la série de Nouvelle Ecole.