La Fève – Décryptage du phénomène

Véritable raz de marée déchainant la hype de la twittosphère, La Fève est une des figures montantes du rap français. Si la New Wave est un style de rap, La Fève en est le chef de file. Comment expliquer ce récent succès ? Comment se distingue-t-il de ses concurrents ? Tant de questions pour comprendre cette effervescence. « La Fève – Décryptage du phénomène ».

Pour ceux qui seraient passés à côté de l’émergence de ce jeune artiste, il est important de faire les présentations. « Fève-La » comme il aime se prénommer nous vient du 94. Il commence l’écriture en 2015 avec un ami mais se lance réellement dans la musique en 2019. Et oui, c’est très récent. Pourtant la qualité de sa musique ne s’en fait pas ressentir, bien au contraire. Il fait partie d’une génération ayant fait ses armes sur la plateforme orange SoundCloud. Il a rapidement su s’y imposer en leader d’une nouvelle génération proposant un univers artistique singulier. De plus, il a su fidéliser ses auditeurs en leur livrant une musique sincère et spontanée.

La plateforme s’est révélée être un parfait terrain de jeux et d’expérimentations pour le jeune MC. Cependant, celle-ci pose des limites, un plafond de verre. En effet, pour évoluer artistiquement et toucher de nouveaux auditeurs il a dû s’aventurer en terrains plus fertiles : le streaming, la vidéo…En somme, le chemin conventionnel pour tout artiste souhaitant se développer.

L’ÉCLOSION D’UN PHÉNOMÈNE

Pour élargir son cercle d’auditeurs et se professionnaliser dans la musique, le format album ou EP est inévitable. Fort de son expérience acquise sur SoundCloud et des rencontres artistiques qu’il y a fait, il livre en 2020 « KOLAF », en collaboration avec le beatmaker Kosei. Quelle entrée en matière. L’effet d’un pavé dans la mare !

Un premier projet fruit d’une parfaite harmonie musicale entre le rappeur et son producteur. Il n’aura pas fallu longtemps pour convaincre un large spectre d’auditeurs quant à sa capacité à livrer une musique qualitative se détachant du mimétisme trop souvent pratiqué dans le rap français. « KOLAF » fait l’unanimité et engendre une immense effervescence autour du nouveau phénomène qu’est La Fève.

En plus de « phénomène », d’autres superlatifs pleuvent quand on évoque La Fève. « génie », « prodige », « nouvelle star » … Il reste rare de voir un tel engouement du public pour un si jeune artiste. D’ailleurs, cette vision est renforcée avec les apparitions et les morceaux qu’il a sorti en 2021. L’exemple parfait étant la semaine passée avec le morceau et le clip de « MAUVAIS PAYEUR« . La Fève a une nouvelle fois choqué frontalement ses auditeurs et un nouveau public.

Dans notre équipe, le constat est similaire : La Fève ne fait qu’exceller. Cependant, quelques questions demeurent. Comment expliquer ce succès, ce fanatisme grandissant autour de l’artiste originaire du 94 ? Comment se démarque-t-il ? Nous allons tenter d’y répondre. Pour cela, nous allons aborder 4 points qui font que La Fève est au-dessus du lot. Ses influences, son imagerie, sa maîtrise artistique et son écriture !

FUSION D’INFLUENCES

A l’écoute de sa musique on se doute bien que « Fève-La » n’est pas un arriviste dans le milieu. Pour développer un univers aussi marqué et affirmé, il est évident que ses influences sont larges. De prime abord, il montre qu’il est acteur d’une nouvelle génération de rap, un rap plus libre, sans frontières. Il s’inscrit pleinement dans cette vague qui s’émancipe des anciens codes du rap pour laisser place à la créativité. Evidemment, ce point lui permet de séduire de jeunes auditeurs.

Cependant, à l’inverse de ses semblables, il y ajoute une touche vintage qui donne du crédit à sa musique. Il vient ainsi convaincre un autre spectre d’auditeurs. Même s’il se laisse aller sur des mélodies entre rap et chants, il sait y faire transparaître des influences oldschool. Le morceau « MAUVAIS PAYEUR » en est l’exemple parfait.

La production est une fusion entre Boom Bap et instrumentale moderne. La Fève semble kicker à l’ancienne, certes. Cependant sa voix douce et les flows variés qu’ils utilisent se détachent de l’imagerie oldschool. De plus, il excelle dans les sonorités d’ambiances donnant un style et une identité unique à ses morceaux. On pense par exemple au « BOUNCE » rythmant « MAUVAIS PAYEUR ». Finalement, sa musique est un hybride, une passerelle entre old et new school.

On s’autorisera une comparaison physique avec l’un des pionniers du rap Eazy-E (du mythique groupe NWA) lors de son passage chez GRUNT.

CHARISME ET ÉLÉGANTE SOBRIÉTÉ  

A l’heure où l’image dans le rap a pris une place centrale, La Fève a su en exploiter les bons filons. Ces apparitions vidéo se révèlent rares mais hautement raffinées. Ses visuels n’ont rien de spectaculaires mais ont le mérite d’être sobres et travaillés. Son attitude, ses mouvements, sa manière de rapper se révèle charismatiques. En effet, il fait preuve d’une telle assurance que ses prestations n’en sont que plus convaincantes.

Lorsqu’un artiste délivre son art avec une telle aisance et une telle confiance l’auditeur n’en est que plus facilement converti. Sa musique est une dose de style par intraveineuse. Il faut le dire, quand on écoute La Fève on se sent frais ! De plus, sa musique est en adéquation parfaite avec les codes artistiques modernes : la sobriété et la concision. Il n’entoure pas sa musique de fioritures inutiles, il va à l’essentiel et maîtrise le bon dosage entre créativité et équilibre musical. Si La Fève était une marque il serait Apple : Sobre et élégant.  

MAITRISE ET POLYVALENCE ARTISTIQUE

La Fève l’a prouvé, il est maître de son art. Sa créativité est claire et lisible, il semble parfaitement savoir où emmener sa musique. Il dompte sa créativité en en libérant que les plus beaux éclats aux yeux du grand public. Nul doute que son passage sur SoundCloud lui a permis de se perfectionner sur ce point. De plus, il a fait preuve de polyvalence dans ses performances artistiques. Oscillant entre morceaux purement rap comme « LA FOUDRE » et mélodieux comme « BELLE SOMME » il démontre une large palette artistique qui peuvent plaire à de nombreux auditeurs. La variété des flows qu’il propose demeure selon nous l’élément central de son art. C’est sans doute ce qui le démarque le plus des autres en plus de sa voix calme et parfois étouffée. Il fait aussi preuve d’une certaine nonchalance légitimement arrogante qui accentue sa maîtrise au micro.

ÉCLAIR D’ÉCRITURE

Enfin, l’écriture. Et oui c’est essentiel pour un rappeur ! Sans avoir une écriture remarquable La Fève reste un très bon élève qui respecte les conventions du rappeur. Là où il se différencie des autres c’est le relief qu’il apporte à ses textes. En effet, il est loin d’avoir une plume monotone. On y trouve des « highlights » parsemées dans chacun de ses textes, des phrases qui marquent l’auditeur. Celles-ci lui permettent de trouver une place de choix dans la tête de son public et appuie son identification dans le paysage rap français. Ces éclairs d’écritures sont quasi-systématiquement imagés. Ils invitent l’inconscient de l’auditeur à imager ses punchlines. Des exemples valent mieux qu’un long discours :

« …Bientôt tu vois La Fève en figurine… »

Mauvais payeur

« …Sur ma tête, faut des diamants sur mes jantes… »

DSMJ

« …Neutron comme Jimmy, La Fève jeune chimiste… »

Alchimie

Ces phrases n’ont rien d’extraordinaire, il est vrai…Mais son interprétation les rend charismatiques et mettent en valeur son écriture.  L’alchimie entre ses textes et son interprétation fonctionne à merveille !

Ces 4 points nous semblent en partie expliquer le succès grandissant du rappeur. Nous allons évidemment suivre de près l’évolution de ce jeune prodige. La Fève a sans doute les épaules pour devenir un artiste majeur du rap français et confirmer qu’il est un phénomène.