Ce 25 Mars 2022, Ne2s fait son grand retour avec son nouvel album Zonard des étoiles. 11 ans après Sélection naturelle, Nessbeal reprend le fil d’une carrière solo parsemée d’embûches mais saluée par tous. Avant d’hériter du titre de « roi sans couronne », le rappeur du 94 avait déjà marqué les esprits du rap français avec son groupe. Nous saisissons donc l’occasion pour revenir sur l’unique album de Dicidens, HLM Rézidants.
La carrière de Nessbeal ressemble à une pièce de théâtre de Shakespeare, on y compte plusieurs actes aux multiples rebondissements. Prédit à une carrière couronné de succès, le rappeur a toujours pris le soin de détourner les prédictions qui lui étaient faites. Il était en effet membre de la première formation du 92i au début des années 2000. Mais Nessbeal avait refusé d’intégrer le label de Booba, dont il était pourtant proche. Pour Nabil Selhy, le chemin se fera en indépendant. Trois disques chez Nouvelle Donne Music et deux albums en majors à fin des années 2000. Tout cela avant de plier bagage du milieu de la musique qui ne lui a pas assez donné les faveurs qu’il mérite.
Pourtant, après avoir annoncé la fin de sa carrière en 2011, Nessbeal fait plusieurs apparitions avec Lacrim notamment. Sa rencontre avec DJ Bellek sera déterminante dans l’idée d’un retour. Tout comme son featuring sur l’album de Jul, La Machine, en 2020, qui marque les esprits. Ce 22 mars 2022, son retour est bien acté avec la parution de Zonard des étoiles, le cinquième album solo de Nessbeal.
Mais avant les péripéties de sa carrière solo, le premier acte pour Nessbeal se construit avec son groupe, Dicidens. Composé de Zesau, Koryaz et lui, le groupe se forme en 1996. Ce nom n’évoque peut-être pas grand-chose au public rap actuel. Pourtant, le groupe jouit d’une certaine renommée. Plusieurs acteurs du game actuel, ont cité l’entité comme référence en interview ou dans des sons. On pense au morceau « Oizo » de Jwles ou « Compte les Hommes » sur le dernier album de Nekfeu avec Alpha Wann.
Le groupe a marqué les esprits et ce avec un seul album, HLM Rézidants, sorti en 2004. Un album qui va traverser l’épreuve du temps, pour acquérir un statut de « classique ». Et pourtant, c’est aussi cet opus qui va sceller la fin du groupe. Car, malgré les 15000 exemplaires vendus à sa sortie et un succès d’estime, de l’aveu de Dicidens, ce n’était pas suffisant pour continuer l’aventure en groupe. Comme un signe prémonitoire pour la suite de la carrière de Nessbeal.
Il faut dire que l’album connaît une conception à retardement. Enregistré dans les années 1999-2000, à cause de complications avec leur label, le disque paraît qu’en 2004. Cependant, plusieurs sons paraissent auparavant comme le morceau « de Larmes & de Sang » avec Lunatic et « Sans ratures » un son de Nessbeal et Booba. Cette connexion avec Lunatic, presque unique tant le duo a signé très peu de featuring, est lié à la proximité de Nessbeal avec 45 Scientific. D’ailleurs, le gérant du label et producteur Geraldo, signe une production sur l’album. Et on retrouve aussi Mala, sur le morceau « Freestyle ».
« Dissidents parce que la vie pousse aux changements »
Pour ce qui est de l’album en soi, on y décèle tout ce que fera Nessbeal
dans sa carrière ensuite. On retrouve des thèmes sombres traités avec l’énergie du désespoir qui le caractérise. Un désespoir, partagé par les 3 rappeurs. Tout au long de l’album, on sent une tristesse lié à leurs actes et leurs conditions de vie. Et c’est ce résultat, qui les permet de dresser le constat qui appelle au changement par nous et pour nous.
« La prison j’en parle car c’est là bas que j’ai grandi pas de comédie ici, ma vie c’est une tragédie ».
Dicidens « Les Gosses »
Ce qui frappe avec cet album, ce sont les textes des rappeurs, bourrés de grosses phases imagées. Des phrases violente et brute qui ne laissent pas indifférent. Inutile de te lamenter si tu es un jeune auditeur et que tu vois des sons de plus 3min avec plus de 4 couplets parfois. Dicidens rappe sans compromis et retranscrit avec l’énergie et les mots des émotions ainsi que leur réalité. Tout cela porté par la complémentarité de Zesau, Koryaz et Nessbeal dans leurs flow et leur timbre de voix. Quand on écoute « Criminogène », on rêverait d’être aussi fort qu’eux au micro, pas d’avoir la même vie.
Le son du Queensbridge à la française
Au niveau de l’ambiance musicale, on ressent une influence du Mobb Deep, comme pas mal d’albums de cette époque. On retrouve les beatmakers Skaar qui produit la majorité de l’album, Val et Géraldo donc. Ce côté Queenbridge se ressent beaucoup sur le coté organique de certaines prods et sur les samples utilisés. Pourtant malgré le style résolument boom-bap et la présence de scratchs qui font toujours plaisir, l’album vieilli plutôt bien. Cela est aussi dû au prestation des rappeurs. Les flow et les placements des membres de Dicidens sur cet album, ont inspiré grand nombre de rappeurs des années 2000 comme ceux de L’Entourage.
HLM Rézidants est donc le seul album de Dicidens. Chaque membre a suivi son propre chemin. Nessbeal a eu donc la carrière décrite plus haut. Quant à Koryaz, il sorti un seul album en 2014 Sorti de nulle part. Il est revenu récemment avec un EP commun avec son ancien compère de groupe Zesau, en fin d’année 2020. Pour ce Zesau, il n’a mené une carrière régulière, sortant régulièrement des albums depuis 2008. lui aussi a fait sa carrière en solo par la suite. Le dernier en date étant Coup classique, sorti fin septembre dernier avec la présence de Benjamin Epps et Limsa D’aulnay.
Vous l’aurez compris, on ne saurait que vous conseiller d’aller écouter cet album. En 2000, Booba nous disaient sur l’unique album de Lunatic: « Si t’aimes pas renoi t’écoute pas et puis c’est tout ». Chez Dicidens, c’est un peu le meme discours mais avec une version à l’image du groupe: « Si t’aimes pas t’as tort ! »