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Nessbeal – « Zonard des étoiles » : le retour du roi

L’année vient à peine de débuter que l’on se retrouve déjà ensevelis sous une montagne de projets tous plus délicieux les uns que les autres. Entre rookies prometteurs et artiste généreux, 2022 est bien parti pour être une année mémorable. Et ce propos prend encore plus d’ampleur avec le retour d’une énorme légende du rap français. Revenons sur « Zonard des étoiles » de Nessbeal, l’un des albums les plus attendus de l’année.

On en a déjà parlé lors de notre chronique sur « Rimes essentielles » de IAM, mais savoir rester actuel avec une gigantesque carrière est un pari horriblement difficile. On y citait des exemples de réussites comme Booba, Mac Tyer, Ol’Kainry ou encore Kery James.Mais on évoquait également des échecs comme Rohff ou plus récemment, Kaaris. La différence est que pour notre sujet du jour, le défi est encore plus grand. Parce qu’en réalité, « Zonard des étoiles » n’est pas simplement le nouvel album de Nessbeal, mais bien son grand retour. Le Val de Marnais a toujours représenté quelque chose de très fort dans le rap français : l’underground.

Savoir rester pertinent éternellement

N’ayons pas peur des mots, Nessbeal est le plus grand rappeur « de niche » de toute l’histoire du rap français. Il n’a en effet jamais eu le grand succès qu’il méritait, malgré des classiques absolus comme « La Mélodie Des Briques » ou « Rois Sans Courrones ». Le rappeur a toujours joui d’un gigantesque succès d’estime, mais d’un succès commercial assez faiblard. Et par ailleurs, on peut théoriser sur le fait que sa pseudo retraite viendrait en parti d’un dégoût envers une industrie qui ne le reconnaîtrait pas à sa juste valeur.


Il est clair qu’aujourd’hui, avec internet et la démocratisation du streaming, Nessbeal a gagné un nouveau public. Son nom a été réhabilité, comme une pure légende, et son honneur restauré. Mais il est toujours intéressant de voir un artiste aussi profondément humain, si sincère, qui a toujours crié sa peine au monde revenir sur les devants de la scène. Et sans vous mentir, ce retour s’est évidemment fait dans la hype, mais aussi dans la peur. Parce que peu de temps avant la sortie de l’album, Nessbeal dévoile les feats de celui-ci. La présence d’un Orelsan semblait logique au vu de leurs collaborations passées.

En revanche, d’autres noms comme ceux de ZKR, PLK, Zed ou Landy pouvaient effrayer. .De suite, une pensée nous traversait l’esprit. Et si Nessbeal avait succombé à la facilité ? Et meme si c’était le cas, comment pourrait on lui en vouloir ? Qui sommes-nous pour râler comme des sales gosses pourris gâtés devant les choix esthétiques d’un artiste qui s’est constamment battu pour une reconnaissance commerciale ?

Malgré tout, on pourrait trouver dommage de voir qu’un artiste aussi puissant émotionnellement se laisse formater dans sa musique, dans l’unique but d’atteindre le top 50 Spotify. Toutes ces peurs n’étaient de toute façon que pures théories. L’album est enfin sorti. Alors essayons de répondre à plusieurs questions. Est-ce que Nessbeal a réussi son retour ? Est-ce qu’il se maintient au sein des meilleurs rappeurs français de l’histoire ? « Zonard des étoiles » est il à la hauteur de nos attentes ?

Un retour aux sources.

Avec « Zonard des étoiles », Nessbeal sort un album relativement court. 14 tracks, 4 feats pour un total de 44 minutes. Et le format de l’album fait partie des raisons pour lesquelles nous vous le recommandons. Soyons clair ! « Zonard des étoiles » de Nessbeal n’est pas seulement un très bon album, c’est facilement un des meilleurs sortis cette année. Un album qu’il faut impérativement écouter. En conservant cette optique d’album facile à consommer, par sa faible longueur, l’artiste opte pour une musique courte mais diablement efficace. Le sentiment de lassitude n’arrive jamais parce que Nessbeal, même après 10 ans d’absence, reste fidèle à ses exigences artistiques. Et si cette construction peut sembler anodine, ce qu’elle révèle sur la manière qu’a NE2S de concevoir la musique est importante. L’album ne recherche pas la longueur pour la longueur. On ne retrouve pas de sons inutiles pour avoir la chance de générer du stream.

Ici, on est sur un album réfléchi, Nessbeal veut faire passer un message. Et cette ambition prend le pas sur le reste. Cette volonté de ne jamais s’écarter de ses principes artistiques se ressent évidemment dans la DA de l’album. Ici, pas de Drill factice pour surfer sur une mode. Pas non plus de Zumba marseillaise pour fédérer un jeune public. Ici le roi sans couronne, opte pour des ambiances qui lui sont chères.

Il a bien compris que le top des charts ne lui tendait pas les bras. Alors il décide ici non pas de se créer un nouveau public, mais d’avancer avec l’ancien. Et c’est là où cet album est un pur délice. Ness arrive ici à faire plaisir son ancien public, avec une écriture toujours profonde et des performances touchantes. Mais aussi à plaire à la nouvelle génération avec l’apparition de feats plus jeunes ou de la Trap.

Nessbeal et « Zonard des étoiles » ont réussit leur coup. L’opus est aussi accessible qu’il est introspectif. Et arriver à ce résultat au vu de la carrière du rappeur, c’est véritablement prodigieux. Comme dit plus haut, l’album conserve tout ce que l’on aime de Nessbeal. Ses fans de la première heure se verront choqué de voir à quel point Nessbeal est toujours aussi fort. Dès l’intro’ du projet, le génial « Intro R.S.C » , on constate toute la force de Nessbeal. Un amer constat de l’industrie actuel par un rappeur qui crache ses poumons sur une instrumental sombre et hostile. Et surtout un sens de l’écriture toujours aussi imagé.

Mais le Franco Marocain renoue aussi pas mal avec son passé. Le titre avec Orelsan peut rappeler « La Vie Des Pauvres », titre présent sur « Rois Sans Couronnes » avec Wallen. La comparaison ne semble pas si choquante quand on voit que Ness peut traiter de sujet de société assez tristes. Mais il le fait en instaurant une atmosphère sublime et limite porteuse d’espoirs.

On pense aussi évidemment au génial « 40 jours / 40 nuits » où, encore une fois, la magie de Ness opère. Son écriture est à l’image de la prod’. Elle est belle mais renferme une colère qui ne sera jamais réellement apaisée. Un sentiment de béatitude qui se mélange à l’infinie tristesse qui se dégage de l’album. En sommes, toute la particularité de Nessbeal. Et c’est précisément pour cette raison que cet album est aussi grand. Avec bientôt 20 ans de carrière, le rappeur sait toujours comment rendre sa musique aussi poignante.

Même aujourd’hui, il n’a jamais trahi ses convictions et présente la même hargne qu’à ses débuts. Si on veut chipoter, on notera un son avec PLK assez en deçà du reste de l’album. Il en va de même pour le titre avec Zed et Landy, oubliable et hors-sujet. Mais en dehors de deux malheureux sons, on a ici affaire à un album de haut standing. Celui d’un homme honnête qui aime sa musique plus que tout.

Pourquoi écouter cet album ?

La réponse à cette question est simple. Il faut écouter cet album parce qu’il est génial. Mais il y a deux autres raisons qui rendent cet album véritablement important. Déjà, il peut permettre à Nessbeal de gravir un palier en terme de succès commercial. Ensuite, cet album mérite d’être écouté parce qu’il aussi est aussi réussi qu’honnête. Après toutes ces longues années de durs labeurs, Nessbeal nous sert de la musique toujours aussi bonne et personnelle. Là où certains se serait contenter de plaire à un public néophyte qui porte peu d’intérêt au genre, l’ex Dicidens veut rester fidèle à lui-même. Et ce même 20 ans après se battre pour réussir par ses propres moyens.

Ce qu’il faut également souligner avec cet album, c’est qu’à un moment où le rap français est formaté et déconnecté de ses codes, il apporte la preuve que ce genre d’album peut marcher. le public se doit de montrer que les albums réalisés avec le cœur sont ceux qui méritent le plus. D’autant plus que c’est avec ce genre de projets que l’on peut ambitionner une reconnexion entre l’ancienne et la nouvelle génération. À un moment où le rap français perd ses (re)pères, il faut montrer à tous ce dont les anciens sont capables.

Mais finalement, on vous conseille surtout l’album parce qu’il est excellent. La technique y est impeccable, Nessbeal rappe comme à ses débuts. L’écriture est profondément touchante, et hormis deux titres un peu en dessous, l’album s’écoute avec un énorme plaisir. C’est une capsule nostalgique teinté d’actualité. Même après un album aussi réussi que « Zonard des étoiles », Nessbeal ne sera surement jamais le roi de cette industrie, mais il est et restera l’un des roi de cet art qu’est le rap. Donnez lui enfin sa couronne.

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