Avec son premier album Labrador Bleu, Isha a pris le contrepied des rappeurs actuels pleins de certitudes et pleins d’égotrip. L’opus est rempli de doute et de visions sombres. Pourtant, même dans les cimetières, on peut trouver de l’espoir.
Avec son premier E.P, La Vie Augmente, Isha marque le rap français en 2017 par son authenticité. Labrador Bleu pose les premières pierres de sa reconstruction.
A l’époque de la sortie du premier LVA, le Bruxellois souhaite reprendre sa carrière à zéro. Première étape, il opte pour son vrai prénom comme nom de scène. Et dès l’intro du EP, l’artiste se livre à nu, avec une sincérité presque déroutante. Dans le refrain de ce morceau, il répète plusieurs fois « l’augmentation est vitale », comme un mantra. Cette formule lui permet d’affronter la dureté de la vie et de donner un nouvel élan salvateur à sa carrière.
5 ans plus tard, 3 volumes de LVA plus tard et un autre EP sorti l’année dernière, Isha s’est forgé une solide réputation grâce à son réalisme cru, son flow rageur et son style cainri. Son public fidèle a aussi adopté la formule La Vie Augmente, certains n’ont d’ailleurs pas hésité à se la tatouer sur le corps. Après avoir remis sa carrière sur de bons rails, le rappeur ouvre une étape essentielle pour sa discographie, celle du premier album. Labrador Bleu, sortie le 15 avril dernier, nous plonge dans l’environnement bruxellois, dicté par une météo capricieuse. Pourtant, même derrière les nuages gris, Isha trouve la force d’avancer.
« Funèbre oraison truffée de plomb«
Ce nouvel opus ne déroge pas l’identité introspective du rappeur. Le thème funèbre qui habite les textes du rappeur depuis sa renaissance, est très présent tout au long de l’album. D’ailleurs, le titre énigmatique fait référence à la couleur d’une pierre tombale. Il rend ainsi hommage à son grand frère décédé en 2019.
Mais, le rappeur fait aussi dans la symbolique. L’album s’ouvre sur la mise en scène d’une naissance. Et il se poursuit sur un premier titre court mais efficace « Tueur de Dragon », une référence à l’emblème de Bruxelles, qui dévoile les intentions d’Isha sur cet opus. Il ira droit au but avec une attitude arrogante, des textes incisifs sur une ambiance plus énervée.
Sur Labrador Bleu, Isha révèle davantage ses doutes et ses questionnements. Comme cela est bien illustré dans le très beau documentaire que StreetPress lui a consacré, le MC revient de loin. Être en vie à son âge est comme une bénédiction. Avec sa musique, il cherche alors une rédemption et une vie meilleure.
« On cherche un max d’oseille (oseille) et la vérité spirituelle (Spirituelle), elle est loin comme le bout du tunnel (loin comme le bout du tu-) ».
Isha – « A plat ventre »
« Et les ténèbres s’éclaircissent »
Cette ambiance pesante dans l’album, on l’a doit à la qualité des productions. On retrouve des beatmakers, déjà présents sur ses précédentes sorties. Lamsi et Ja7cee apportent leur signature musicale sur la majorité des tracks. C’est eux qui donnent cette ambiance plus nerveuse avec des prods chargées en basses qui cognent, comme sur « On sourit pas sur les photos ».
Malgré cette atmosphère plus brute, le rappeur montre aussi sa maîtrise de registre plus mélodieux. Les flows chantés sont réussis, tout en égratignant pas son identité thug. On découvre plusieurs surprises dans la tracklist. Le titre « Modou » en featuring avec son comparse Limsa d’Aulnay en est une. Après leur premier feat très plébiscité et l’annonce d’un album en commun, on s’attendait à un festival de punchlines entre les deux kickeurs. Le track est une ballade nocturne sur une prod hypnotique, qui donne un tube underground.
Pour le casting du LP, on compte Limsa d’Aulnay donc, Caballero & JeanJass sur « Meilleur karaté » et OG Gold, un jeune rappeur bruxellois. Mais les plus attentionnés auront reconnu les ad-libs de Green Montana sur « La Familia » et surtout la présence de Stan, son manager et surtout ami de toujours sur « Balle dans la tête ». Une manière pour Isha d’affirmer sa loyauté auprès de ses proches.
15 pistes, un peu moins de quarante minutes d’écoute, Labrador Bleu est un album relativement court. Isha a expliqué ce choix par le mode actuel de consommation rapide de la musique. C’est aussi, pour lui le témoignage de sa volonté d’avancer vers de nouveaux objectifs.
Parfois suivre la carrière d’un artiste, c’est aussi évoluer avec lui. Dans le rap surtout, où l’interprète se place au cœur de son art et on suit son parcours de vie. Avec Labrador Bleu, Isha explicite son letmotiv : combattre ses démons et devenir une meilleure personne.
3 réponses sur « « Labrador Bleu », la couleur meurtrie d’Isha »
Bon article, je n’ai pas une bonne ni un intérêt pour le rap, mais j’aime découvrir des artistes. J’ai bien aimé et approfondie ma curiosité. Top chef
[…] box-to-box de l’équipe. Tout terrain, il impose son rythme au milieu. Le “labrador bleu” est inépuisable et ne déçoit que rarement même s’il joue avec un durag sur la tête ! […]
[…] Le triptyque « LVA » est un ensemble tellement dense et long à digérer pour en saisir toutes les nuances que l’on peut aisément comprendre pourquoi le rappeur a choisi de le diviser en 3! Et puis, aurait il pu mettre toute son son âme et avoir assez de recul si il en avait fait un seul et unique projet? Le résultat lui donne de toute façon raison puisque « La Vie Augmente » est un magnifique ensemble et procure à lui seul à Isha une discographie de très très haut niveau. […]